un modèle qui fait du surplace?


475 000 places de rue. Une occupation de 27% de la route. Et un coût annuel collectif d’environ 500 millions de dollars… Tel un véhicule géant, le stationnement prend de la place dans l’organisation de la vie montréalaise.

Comment repenser sa gestion pour optimiser l’expérience urbaine, réduire les inégalités sociales et donner une impulsion supplémentaire à la transition écologique engagée par la Ville ? C’est précisément sur cette question que s’est penché le Conseil régional de l’environnement de Montréal (CRE-Montréal), qui vient de livrer un rapport contenant 23 recommandations adressées aux décideurs montréalais.

« Nous travaillons sur les problématiques de stationnement depuis plus de vingt ans. Dans le cadre de l’élaboration du nouveau Plan d’urbanisme et de mobilité 2050, nous avons estimé qu’il fallait actualiser notre approche et proposer des recommandations plus précises à la Ville », explique le responsable des transports et de l’urbanisme au CRE-Montréal Blaise Rémillard , en entretien avec Métro.

Un modèle inéquitable

Selon le Conseil, le modèle actuel de stationnement à Montréal pose plusieurs problèmes. En plus de constituer un frein au progrès sur le front de l’écologie, en entretenant un rapport de dépendance à la voiture, ce serait injuste pour de nombreux citoyens. Surtout pour ceux qui ne possèdent pas de voiture.

« L’offre actuelle de stationnement, financée par la Ville et les contribuables à perte, encourage la possession de véhicules qui sont à l’origine de plus du quart des gaz à effet de serre au Québec, déplore Blaise Rémillard. En plus d’être incompatible avec nos objectifs climatiques, ce choix de financer collectivement le stationnement et les déplacements en voiture, alors que 30 % des ménages montréalais n’ont pas de voiture, est injuste et maintient les Montréalais dans un cercle vicieux de dépendance à l’automobile. »

La CRE met en avant la part « énorme » d’espace que le stationnement occupe à l’échelle de la ville. Les espaces dédiés à l’accueil des voitures à l’arrêt représentent 27 % du réseau routier, « soit 12 fois plus d’espace que les voies réservées aux bus et les pistes cyclables », note le Conseil.

En repensant l’organisation du stationnement et en rétablissant « l’équilibre dans la répartition de l’espace et des ressources », le groupe soutient qu’il serait possible notamment d’accroître le verdissement de la ville, d’améliorer l’efficacité des transports en commun, mais aussi de débloquer d’agréables des espaces pouvant accueillir des logements. Les recommandations présentées par le comité, qui sont le fruit d’une consultation de 70 experts, permettraient également de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et les îlots de chaleur.

Tous les déplacements automobiles commencent et se terminent dans un stationnement. Compte tenu de son rôle stratégique, notre livre blanc place le stationnement au cœur d’un nouveau pacte de mobilité.

Blaise Rémillard, responsable du transport et de l’urbanisme au CRE-Montréal

Faire marche arrière dans le parking

Le Conseil propose, à travers son nouveau livre blanc sur le stationnement, 23 mesures visant à réformer la politique de stationnement. parking à Montréal. Parmi celles-ci, nous proposons la reconversion des espaces de stationnement sous-utilisés en terrains à usage collectif : espaces réservés à l’autopartage, couloirs bus, pistes cyclables, trottoirs. La CRE prévoit également, dans ces zones récemment débarrassées des quadistes, la construction de logements, de commerces de proximité, d’espaces de travail et d’infrastructures pour mieux se préparer au changement climatique.

« On a calculé, de façon très très prudente, qu’on pourrait construire des logements pour 40 000 personnes sur un tiers des places de stationnement sur rue, mais en réalité, ce serait bien plus que ça », explique Blaise Rémillard.

La CRE souhaite également que la Ville cesse de subventionner le stationnement gratuit sur voirie d’ici 2035, afin de récupérer des fonds qui pourraient être utilisés pour soutenir la mobilité durable. « Cette mesure est aussi liée à des enjeux d’équité, dans une ville où 30 % des ménages n’ont pas de voiture. Ils paient le stationnement partout, quand ils vont à l’épicerie pour se nourrir, dans leurs taxes », énumère Blaise Rémillard.

Autre mesure phare, le groupe de spécialistes souhaiterait que soient supprimés les ratios minimaux de stationnement pour la construction de bâtiments. Rappelons que dans la configuration actuelle, plusieurs arrondissements obligent les promoteurs immobiliers à aménager des stationnements pour chaque immeuble construit.

« Ça a un effet vraiment pervers, car ça oblige le promoteur à construire plus de parkings que ce qui a du sens économiquement pour lui, sans remettre en cause les besoins de sa clientèle. Ça crée toutes sortes de distorsions et ça incite les gens à se motoriser. La bonne nouvelle, c’est que plusieurs arrondissements abandonnent déjà ces exigences », indique Blaise Rémillard.

Le Conseil est également favorable à une révision du système de la vignette, afin qu’elle soit établie en fonction de l’offre et de la demande « réelles de stationnement ».

Nous voulons passer d’un mode de bonnes intentions à un mode de résultats

Blaise Rémillard, responsable du transport et de l’urbanisme au CRE-Montréal

Un mouvement déjà amorcé

Selon la vision du Conseil, l’ensemble de ces recommandations pourraient être progressivement mises en œuvre sur la période 2024-2035. Elles permettraient notamment d’atteindre les objectifs de réduction de GES (55% d’ici 2030 et 90% d’ici 2050) mais aussi de anticiper le virage qui prévoit l’arrêt de la commercialisation des véhicules neufs essence, à partir de 2035.

Blaise Rémillard croit que les propositions du groupe s’inscrivent dans une dynamique déjà amorcée par la ville de Montréal et la région métropolitaine, avec notamment la mise à jour du Schéma métropolitain d’aménagement et de développement du Grand Montréal (PMAD).

« Nous avons le sentiment de faire partie d’un mouvement plutôt favorable à la réforme du stationnement. Le mouvement est bien amorcé partout à Montréal. Plusieurs arrondissements revoient déjà leur réglementation et entreprennent des études. On voit aussi qu’il y a deux ans, la Ville a mis en place l’Agence de la mobilité durable pour mieux gérer les parkings. Par contre, nous voulons proposer des idées un peu plus audacieuses pour atteindre nos cibles », explique Blaise Rémillard.

Mais au-delà des décideurs, le Conseil veut aussi que son message atteigne les citoyens : « un effort particulier est fait pour rejoindre le grand public afin de le sensibiliser aux bénéfices de changer notre façon de voir le stationnement », conclut Blaise Rémillard.

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