un accord qui laisse planer des incertitudes

Jusqu’à la fin, un accord était incertain. Et jusqu’au bout, la confusion sera restée dans une forme de guerre des nerfs. Samedi 18 mars, la Turquie puis l’ONU et la Russie ont confirmé une prolongation de l’accord sur l’exportation de céréales vers la mer Noire.

Signé en juillet 2022 par l’Ukraine, la Russie et la Turquie, avec l’aide de l’ONU, il a atténué la crise alimentaire mondiale provoquée par l’invasion russe de l’Ukraine en permettant l’exportation de près de 25 millions de tonnes de maïs, de blé et d’autres céréales. Selon ses termes, l’accord devait être « prorogé de plein droit pour la même durée (120 jours) sauf si l’une des parties notifie à l’autre son intention d’y mettre fin ou de le modifier ». Il avait ainsi déjà été prolongé de 120 jours en novembre, jusqu’au samedi 18 mars, 23h59 heure d’Istanbul (21h59 heure française).

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Cacophonie

C’est lors d’une allocution télévisée dans l’après-midi que le président turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé pour la première fois la prolongation. Mais il se garde bien d’en préciser la durée. Dans la foulée, le ministre ukrainien des Infrastructures Oleksandr Kubrakov s’est empressé de réagir via un message sur le réseau social Twitter, soulignant qu’il était prolongé « 120 jours. Nous remercions Antonio Guterres, les Nations Unies, le président Recep Tayyip Erdogan, (le ministre turc de la Défense) Hulusi Akar et tous nos partenaires pour avoir confirmé cet accord. » , il a tweeté. Mais quelques minutes plus tard, le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères a recadré : « Nous avons répété plusieurs fois que […] la partie russe avait informé toutes les parties prenantes que l’accord avait été prolongé de 60 jours. » Dès le 13 mars, la Russie, mécontente de l’application d’un deuxième accord pour faciliter ses propres exportations d’engrais, avait en effet fait savoir qu’elle n’acceptait qu’une prolongation de deux mois. Même si la Turquie, où se trouve le centre conjoint de coordination de l’accord qui organise le contrôle des navires, avait indiqué vendredi qu’elle espérait toujours une prolongation de 120 jours.

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Une récolte 2023 qui ne s’annonce pas de bon augure

60 jours ou 120 jours, quel impact pour les marchés ? « Les bateaux ne font pas que faire la navette entre deux portsexplique à Ouest de la France Arnaud Petit, directeur exécutif du Conseil international des céréales (CIG). Un bateau partant d’Odessa ira par exemple en Egypte, puis transportera autre chose et puis ira peut-être au Maroc et ainsi de suite. Programmer l’entrée des bateaux en mer Noire nécessite généralement une visibilité de plus de 60 jours. Sinon, les entreprises et les sociétés commerciales penseront que c’est trop risqué. » Sinon, la solution peut être de faire appel à des entreprises locales, généralement avec des bateaux plus petits. « Cela signifie que les volumes sortent plus lentement et avec un risque financier énorme car les compagnies d’assurance seront beaucoup plus hésitantes à assurer ces biens. »

En tout état de cause, la prolongation de l’accord était un enjeu majeur. « La mer Noire représente environ 30 % de l’approvisionnement du commerce mondial du blé. Il n’y a pas de substitution possible. » Sans accord, il fallait s’attendre à un choc sur le marché, car le blé ukrainien ne pourrait pas sortir. Arnaud Petit rappelle également qu’il existe « un risque pour tous les mouvements de bateaux sur la mer Noire. L’accord de corridor est de facto une sorte « d’accord de paix » pour qu’il n’y ait pas de problème, pas d’attaque, sur la zone. » Au-delà des céréales russes et ukrainiennes, une partie du blé produit en Ukraine ou en Russie est envoyée en Turquie pour y être transformée en farine. Celui-ci est ensuite généralement réexporté vers le Moyen-Orient. Ces pays et l’Afrique du Nord auraient été directement touchés, avec un impact sur les produits alimentaires de base.

Surtout que 2023 ne s’annonce pas au mieux. « En 2022, nous avons eu une bonne récolte, avec environ 10 millions de tonnes de plus qu’en 2021. Selon nos premières prévisions, pour la récolte 2023, nous serons à moins de 13 millions de tonnes. » A moins que les conditions météo ne soient clémentes, le risque est que la situation soit tendue dès cet automne. « Sans visibilité sur le corridor, cela pourrait faire un très gros trou sur les marchés. »


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