Suicide d’un adolescent : une radiothérapie de quatre mois demandée pour un psychologue

La radiation de quatre mois est une recommandation conjointe des avocats du psychologue et des parents de Lili, qui sont les plaignants dans cette affaire.
Devant le conseil de discipline vendredi, Annie Moreau a reconnu ne pas avoir respecté les règles de l’art de sa profession et ne pas avoir tenu compte des limites de sa compétence. Elle s’engage à ne plus avoir le droit d’exercer sa profession auprès d’une clientèle de moins de 14 ans.
La plainte a été déposée suite au suicide de Lili Homier en novembre 2017. La jeune fille, considérée comme surdouée, souffrait de graves problèmes d’anxiété accompagnés de symptômes dépressifs et exprimait clairement des pensées suicidaires.
L’adolescente était suivie par une équipe multidisciplinaire composée de Mme Moreau, travailleuse sociale et psychiatre affiliée à la CSSS
des Sommets, à Sainte-Agathe-des-Monts.Annie Moreau, qui a rencontré Lili 39 fois sur une période d’un an, a admis ne jamais évaluer son risque de suicide et ne pas élaborer de plan de sécurité pour elle. Le psychologue a également reconnu avoir omis de communiquer des faits importants au psychiatre qui traitait Lili. Elle a également été punie pour sa mauvaise tenue des dossiers.
J’aurais aimé avoir les connaissances et les compétences à ce moment-là pour aider votre fille, j’en suis désolé
dit la psychologue en s’adressant à Fanie Charbonneau, la mère de Lili, qui était présente dans la salle.
Travailler en silo
Le rapport de l’expert psychologue retenu par les parents révèle des lacunes important
dans l’approche thérapeutique de sa collègue Annie Moreau. Alors que l’état de Lili s’était nettement détérioré, en octobre 2017, Frédéric Laterrière concluait que la psychologue n’a pas pris les mesures nécessaires pour favoriser une autre issue dans le cas de son client. […] Un placement d’urgence dans une équipe de soins spécialisés aurait pu être recommandé par le psychologue afin d’aider Lili à traverser sa période de crise suicidaire.
Le rapport note également le manque de collaboration du psychologue avec les parents de Lili. Quelques semaines avant sa mort, cette dernière avait trouvé une corde accrochée au plafond, et leur fille s’était enfermée dans sa chambre avec un couteau. Lorsqu’ils ont tenté d’informer le psychologue de la détérioration de l’état de Lili, Annie Moreau a refusé de les rencontrer, leur suggérant d’en parler plutôt à l’assistante sociale.
Le manque de communication, voire le travail en silos du psychologue, a peut-être contribué en partie au décès de cet adolescent
conclut l’expert.
Lili s’était également demandée de rencontrer sa psychologue chaque semaine, ce qu’Annie Moreau a refusé, estimant que des réunions mensuelles suffisaient.
Devant le conseil de discipline, Fanie Charbonneau a livré un témoignage troublant. Ce fut mon plus grand choc, de réaliser que pendant tout ce temps, ma fille était entre les mains d’une personne qui n’avait aucune compétence.
» Cette sanction pour Mme Moreau ne représente pratiquement rien. Nous, notre peine, c’est à vie. »
Un signalement à la Direction de la protection de la jeunesse, trois semaines avant le décès de Lili Homier, aurait pu entraîner une admission dans une unité d’urgence psychiatrique. Le rapport n’a pas été accepté par le DPJ
car Lili était déjà prise en charge par une équipe de professionnels.Course d’obstacle
C’est suite à une deuxième plainte des parents de Lili Homier que la radiation a été prononcée. En réponse à leur première plainte, le Syndic de l’Ordre conclut une entente confidentiel
avec le psychologue qui s’était engagé à suivre plusieurs formations, sans toutefois reconnaître aucune faute. Depuis, Annie Moreau a effectivement suivi ces formations et a été encadrée par un collègue pendant une durée de 16 heures.
Les parents ont refusé cet arrangement. Fanie Charbonneau croit que le Syndic de l’Ordre voulait balayer leur plainte sous le tapis
en refusant de présenter le cas de Mme Moreau au conseil de discipline. Ils ont donc déposé une deuxième plainte, privée cette fois.
Je trouve extrêmement inquiétant, décevant et injuste que ces manquements graves n’aient pas conduit le syndic à porter plainte au Conseil de discipline dès le départ.
, a déclaré Mme Charbonneau avec émotion vendredi. Elle dit avoir pris des mesures pour rappeler à tous les psychologues du Québec l’importance d’évaluer un enfant qui tient des propos suicidaires, rappelant qu’un enfant de 13 ans n’achète pas un diagnostic de dépression pour le plaisir de le faire
.
L’avocat des parents, Claude Leduc, ajoute : Comment protéger le public si le public ne connaît pas les faits, parce que le syndic n’a pas porté plainte au Conseil de discipline ? Et si les psychologues eux-mêmes ne le savaient pas ? […] Exemplarité et dissuasion, il est surprenant que le bureau du syndic ait raté cette mission.
La présidente du Conseil de discipline a promis de faire connaître sa décision rapidement
. Selon nos sources, il est très rare que le Conseil n’avalise pas une proposition de sanction lorsqu’elle est présentée conjointement par les deux parties.
Annie Moreau continue d’exercer à CSSS
des Sommets, à Mont-Tremblant.
journalmetro