Succès mitigé pour les petits déjeuners scolaires gratuits, jamais rendus obligatoires
Le gouvernement doit présenter ce lundi 18 septembre son nouveau plan de lutte contre la pauvreté. Celui-ci prendra le relais de la stratégie 2018-2023, que le chef de l’Etat alors nouvellement élu avait décidé de concentrer sur les plus jeunes, avec l’idée de lutter contre les inégalités à la racine.
Aussi, l’une des mesures les plus emblématiques a été la distribution de petits déjeuners gratuits dans les écoles des districts d’éducation prioritaire. Ce retour aux années Mendès France, où les enfants recevaient un briquet de lait, avait pour but d’éviter que les enfants n’aient faim à longueur de journée. Un programme similaire avait permis, en Angleterre, « améliorer significativement les résultats académiques de ces étudiants », » louait par exemple Olivier Véran, alors député.
Et cinq ans plus tard ? Le programme reste au milieu du gué. Les petits déjeuners scolaires, par exemple, n’ont jamais été rendus obligatoires. Chaque ville s’y engage volontairement ou non. Au total, « on estime que 230 000 étudiants en ont bénéficié durant l’année 2021-2022, contre un objectif de 300 000 », » concède Frédéric Leturque, qui a co-présidé la commission de travail 2018 sur la pauvreté des enfants.
Exposition à la suralimentation
Il faut dire que la mesure s’est heurtée aux réticences des autorités sanitaires. Ainsi, l’Anses, dans un rapport d’évaluation de 2021, appelait à ne pas se méprendre sur le problème : plus les enfants sont pauvres, plus ils sont exposés à la suralimentation et au risque d’obésité, et non à la faim. L’agence a donc mis en garde contre les dangers d’un mauvais ciblage. Concrètement, 30 % des matinées des élèves de maternelle et 20 % de celles des enfants de primaire sont marquées par deux prises alimentaires, soit un petit-déjeuner et une collation, notent les experts.
« Cette fréquence assez élevée d’une double prise alimentaire le matin amène à s’interroger sur l’effet sur la santé de l’enfant d’une troisième prise alimentaire qui serait proposée dans le cadre du système de petits déjeuners scolaires destinés aux zones d’éducation prioritaire qui peuvent être supposées être plus à risque de surpoids ou d’obésité. »
Cet appel à la prudence a été reçu par les maires, qui sont également aux prises avec un autre problème : ne pas stigmatiser les enfants pauvres en distribuant des petits déjeuners devant leurs amis. Pour y parvenir, chaque ville propose sa solution. A Arras, commune dont Frédéric Leturque est maire, le petit-déjeuner n’est proposé qu’à certains enfants, identifiés pour leurs excès et leurs envies répétées. « Toute l’année, nous les accueillons avant les cours, lors d’activités périscolaires, dans un atelier sur la nutrition, qui reste néanmoins ouvert à tous. Nous impliquons également toujours les familles. explique le maire.
Dans son département des Hauts-de-France, il estime que le besoin est réel. « On estime que 15 % des enfants inscrits au REP arrivent à l’école le ventre vide et que la pauvreté touche environ 1 million de personnes. » détaille l’élu.
Du sucré, mais aussi du salé, du fromage, des fruits…
Autre exemple, autre système : à l’école Jean-Lurçat de L’Île-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), des petits déjeuners gratuits sont proposés à tous, mais pendant une semaine seulement, à la rentrée, explique Bassy M’Bodge, le directeur, membre du FSU-Snuipp93. À 8h30, tout le monde s’assoit en classe et prend un petit-déjeuner préparé par une nutritionniste. Au menu : du sucré, mais aussi du salé, du fromage, des fruits… pour donner des idées aux familles.
« Les parents peuvent venir partager ce moment avec leurs enfants. L’idée est d’en profiter pour enseigner l’alimentation à toute la famille », » prolonge Bassy M’Bodge. Certaines habitudes peuvent être corrigées : «Certaines personnes viennent et disent ‘J’ai donné quelque chose à mon fils ou à ma fille’, mais en fait, on se rend compte que c’est du coca et des chips. On vous explique donc que ce n’est pas adapté. »
Cette semaine particulière montre aussi que les besoins sont bien réels, estime le directeur. « Certains enfants dévorent, ce qui montre bien qu’ils n’ont rien mangé à la maison. » Toute l’année, l’équipe veille sur eux et tente, tant bien que mal, de répondre à leurs besoins. « Les enseignants demandent parfois aux familles d’apporter des fruits et légumes pour le goûter le matin. Aussi surprenant que cela puisse paraître, beaucoup d’enfants adorent les radis le matin, dès qu’on les leur propose, sourit Bassy MBodge. Nous conservons également du yaourt, du pain et des fruits non consommés à la cantine, pour les distribuer à ceux qui en ont besoin. »
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