Revivre malgré tout

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cinq petits indiens

par Michelle Bon

Traduit de l’anglais (Canada) par Isabelle Maillet

Seuil, 350 p., 22 €

Dès la fin du 19ee siècle à 1996, 150 000 enfants autochtones du Canada ont été arrachés à leur famille et placés dans des pensionnats dirigés par l’Église catholique avec l’aval du gouvernement, pour être « assimilés » et « civilisés ». Maltraités, mal nourris et parfois maltraités, 4 000 d’entre eux sont morts. Les autres étaient appelés les « survivants ». C’est l’histoire de cinq d’entre eux que raconte, à travers la fiction, la poétesse et essayiste Michelle Good. Une histoire que cet auteur de la Nation crie connaît bien pour avoir défendu comme avocat pendant plus de vingt ans ces êtres aux vies brisées.

Leurs noms sont Kenny, Lucy, Maisie, Howie et Clara. Ils avaient 6 ans lorsqu’ils sont arrivés dans les années 1960 à The Mission, un pensionnat situé en Colombie-Britannique et dirigé par sœur Marie et frère John avec un objectif : « Tuer l’Indien dans l’enfant ». Avec une grande maîtrise de la narration, sans aucune misère, Michelle Good déroule les destins croisés de chacun d’eux sur plusieurs décennies. Le râle du chapelet de Sœur Marie, sa voix aiguë, les coups qu’elle donne pour tout et rien reviennent hanter les adultes qu’ils sont devenus. Tout comme les viols commis par frère John.

Il y a le courageux Kenny qui s’est enfui à 13 ans pour retrouver sa mère noyée dans le chagrin et l’alcool et qui a depuis erré d’un emploi à l’autre. Howie, d’autre part, a passé de nombreuses années en prison pour s’être vengé de frère John en le battant. Sweet Lucy a quitté le pensionnat le jour de son 16e anniversaire avec 5 $ et un billet pour Vancouver. Dans cette ville étrangère, elle retrouve Maisie, qui fait le ménage dans un hôtel crasseux et offre chaque soir son corps aux hommes pour le rendre encore plus sale. Clara, enfin, habitée par une colère incandescente, s’est engagée dans l’American Indian Movement pour les droits des Amérindiens. « Redevenir un enfant, vivre à nouveau insouciant, sans peur, sans coup férir – personne n’a le droit à une telle chance. Il ne reste qu’un vide béant, un manque que rien ne peut combler. murmure-t-elle.

La question qui traverse tout le roman est celle de la résilience. Comment se reconstruire après avoir vécu un tel traumatisme ? A-t-on seulement droit au bonheur ? Michelle Good ne fournit pas de réponse. Avec bienveillance, elle observe et accompagne chacun de ces cinq petits indiens dans leur lutte pour disperser les ténèbres qui ont assombri leur enfance et retrouver le courage de vivre. Certains réussiront, d’autres non. Clara se souvient des anges chantant dans les bosquets de bouleaux lorsqu’elle se promenait avec sa mère, Kenny et Lucy tentent tant bien que mal de s’aimer, Howy entreprend de restaurer la ferme familiale, Maisie, elle, morose…

Avec ce récit poignant, Michelle Good inaugure la nouvelle collection « Voix autochtones », éditée au Seuil, qui donne la parole à des écrivains, comme elle, issus des premiers peuples – Aborigènes d’Australie, Innus du Québec, Sami de Finlande, Bunun de Taïwan… Ces récits militants et ô combien nécessaires résonnent de l’intérieur du destin d’hommes et de femmes que l’histoire officielle a passés sous silence, révélant ainsi la vitalité d’une littérature largement méconnue (1) .

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