Réforme des retraites : nouveau coup de gouvernement au Sénat

A la veille d’une nouvelle journée de mobilisation, le gouvernement a décidé un nouveau coup de force pour imposer sa réforme des retraites. Vendredi en fin de matinée, alors que les débats reprenaient au Sénat, le ministre du Travail Olivier Dussopt a tiré l’article 44-3 de la Constitution en dénonçant une « obstruction » de l’opposition de gauche. « C’est pour cette raison que le gouvernement vous demande de voter sur un vote unique sur l’ensemble du texte », dit le ministre.

Sur les bancs de la gauche, les rappels au règlement se sont alors succédés pour dénoncer ce putsch parlementaire. Le sénateur socialiste Patrick Kanner a dénoncé la décision du gouvernement, « avant le grand jour d’action du 11 mars »OMS « montrez au pays vos réelles intentions réactionnaires puisqu’il s’agit d’une réforme de la réaction sociale ». Le président du groupe écologiste, Guillaume Gontard, a lui aussi fustigé l’attitude de la Macronie : « quand toute la population est dans la rue, tu passes en force ». Le sénateur a dénoncé « brutalité et aliénation du parlement »avec des mots durs envers l’exécutif ainsi que la majorité sénatoriale de droite. « Victor Hugo a appelé son chien Sénat. Et oui, le Sénat est devenu le toutou du gouvernement ».

Pour le groupe communiste, c’est Pierre Laurent qui a pointé le « terrible aveu de faiblesse du gouvernement ». Et pour continuer à s’adresser à la majorité de droite : « Vous êtes ultra-majoritaire au Sénat, et vous n’êtes pas en mesure de voter le texte dans des conditions normales de débat. Parce que vous avez décidé dès le premier jour, non seulement de faire voter les 64 ans, mais de le faire en acceptant les conditions imposées par le gouvernement avec le recours au 47-1. Vous vous êtes mis en situation d’abaissement du Sénat », accusa le sénateur de Paris. « A partir de mardi, il a également dénoncé, quand tu as vu que le mouvement prenait un tel élan, tu as décidé de faire obstruction ».

Sa collègue Laurence Cohen a également pointé la responsabilité de la droite : « Le parlementarisme est piétiné par le gouvernement, mais avec l’assentiment de la majorité de droite. (…) Dès le départ, procédure après procédure, vous avez voulu étirer les débats. Et vous avez refusé de parler du fond, c’est-à-dire des conséquences de votre projet sur la vie des gens. Le projet du gouvernement est votre projet.a dénoncé l’élu communiste avant de rappeler que « Cela fait quatre ans que René-Paul Savary a présenté l’allongement de l’âge de la retraite. Alors vous êtes enfin soulagé de voir cette crapuleuse réforme votée par des parlementaires qui acceptent que le parlementarisme soit bafoué ». La sénatrice écologiste Raymonde Poncet-Monge a également fustigée « Un droit qui devient illibéral précisément parce que vous êtes ultra-minoritaire. Et quand tu es minoritaire et que tu veux imposer ton point de vue, tu deviens illibéral ».

« Vous ajouterez une crise politique majeure dans un pays fracturé et tendu », a ajouté, pour sa part, le communiste Eric Bocquet, s’adressant au gouvernement. « Samedi nous serons dans la rue pour manifester, car c’est le seul endroit finalement où les Français peuvent se faire entendre, à partir du moment où on veut les priver de débat au parlement » a poursuivi, dans le même esprit, l’écologiste Yves Chantrel.

A droite, les sénateurs ont préféré attaquer la gauche, l’accusant de « coaguler » le débat pour reprendre les termes du sénateur LR Olivier Paccaud, qui ironiquement « tel est pris celui qui pensait prendre ». « Vous portez la responsabilité du fait qu’aujourd’hui le débat parlementaire doive céder la place, malheureusement, à une méthode plus autoritaire », a également lancé à gauche son collègue du groupe Roger Karoutchi, reconnaissant ainsi le caractère antidémocratique de la procédure choisie par le gouvernement. Certains sont allés jusqu’à pointer l’ombre de l’insoumis Jean-Luc Mélenchon sur les débats, alors que ceux-ci se déroulaient dans une ambiance bien moins tendue qu’à l’Assemblée nationale.

A l’extérieur du Palais du Luxembourg, les réactions se sont également multipliées. « A l’Assemblée, Ciotti peut aller acheter sa laisse »a tweeté Jean-Luc Mélenchon. « Macron fait de la France la risée du monde démocratique », a réagi la présidente du groupe FI à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot. Le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, a dénoncé « un 49-3 déguisé ». Le premier secrétaire du PS Olivier Faure, lui, a souligné que « Jamais un gouvernement n’a utilisé le vote bloqué alors même qu’en vertu de l’article 47-1 il place déjà le Parlement sous un carcan ».

Dans la nuit de mardi à mercredi, l’article 7 avait déjà été réécrit, biffant d’un trait de plume les sous-amendements de la gauche et le président LR du Palais du Luxembourg s’en était emparé. l’article 38 du règlement pour limiter les débats. A son tour, vendredi, Olivier Dussopt a d’abord activé l’article 44-2 de la Constitution, balayant les sous-amendements déposés par la gauche.

L’article 44.3 alors utilisé indique que « si le gouvernement le demande, l’Assemblée saisie statue par un vote sur tout ou partie du texte en discussion, ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le gouvernement ». Vendredi en début d’après-midi, les discussions ont repris leur cours sur les amendements : les 1000 déposés par la gauche seront examinés, mais pas votés. Les 70 du gouvernement seront mis aux voix. Lors d’une conférence de presse commune aux trois formations de la gauche, la communiste Eliane Assassi a prévenu : « nous irons jusqu’au bout de ce qu’il est possible de faire pour que ce texte ne soit pas soumis au vote ». Avec ce nouveau rebondissement, la voix de la grande majorité des Français qui rejettent la réforme des retraites semble plus que jamais devoir parler dans la rue pour se faire entendre.




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