Ottawa prévoit de sévir contre les médecins facturant des soins de santé médicalement nécessaires

Une augmentation du nombre d’entreprises offrant aux Canadiens un accès plus rapide aux soins de santé à un prix incite le gouvernement fédéral à lancer une répression contre cette pratique, a appris CBC News.
Le ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos, dit aux provinces de mettre un terme aux frais pour les soins médicalement nécessaires aux patients – et prévient qu’Ottawa récupérera les paiements de transfert fédéraux en matière de santé si les frais continuent.
« Je suis très préoccupé par la récente augmentation des rapports sur les frais facturés aux patients pour des services médicalement nécessaires », a déclaré Duclos dans une lettre envoyée jeudi à tous les ministres provinciaux et territoriaux de la Santé. Les fonctionnaires fédéraux en ont fourni une copie à CBC News.
« Peu importe où vivent les Canadiens au pays ou comment ils reçoivent les soins médicalement nécessaires, ils doivent pouvoir accéder à ces services sans avoir à payer de leur poche. »
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Les entreprises qui facturent aux patients des visites virtuelles avec un médecin de famille sont les principales cibles de la répression fédérale, selon un haut responsable du gouvernement.
Bien que la Loi canadienne sur la santé interdise de facturer aux « personnes assurées » des services médicalement nécessaires, il y a eu récemment une explosion du nombre d’entreprises à travers le pays offrant des rendez-vous médicaux en ligne et facturant des frais de l’ordre de 50 $ à 100 $ par visite.
Les entreprises qui facturent des frais contournent l’interdiction de la Loi canadienne sur la santé en mettant le patient en contact avec un médecin dans une autre province. Selon les règles de l’assurance-maladie de la province où le médecin exerce, le patient ne serait techniquement pas considéré comme une « personne assurée ».
Certains critiques ont qualifié cela d’échappatoire dans la Loi canadienne sur la santé.
Dans sa lettre, Duclos affirme que l’accès élargi aux soins de santé à l’aide de plateformes virtuelles doit rester « fidèle à l’esprit et à l’intention de la Loi canadienne sur la santé ».
Duclos dit qu’il remettra aux provinces et aux territoires un document précisant que les frais pour les services médicalement nécessaires ne sont pas autorisés, peu importe où vit le patient.
« Les complexités de la santé familiale moderne, des soins virtuels et chirurgicaux, y compris leur prestation dans toutes les juridictions et l’élargissement des champs d’exercice des agents de santé, ne devraient pas être utilisées pour autoriser ces frais », indique la lettre.

« À mesure que notre système de santé évolue, il doit le faire dans le respect de la Loi canadienne sur la santé. »
L’un des plus grands acteurs facturant les soins médicaux virtuels est Maple, qui se décrit comme « l’application de soins virtuels la mieux cotée au Canada » et facture 69 $ ou plus pour un rendez-vous.
« Nous facturons des frais pour nos services uniquement lorsqu’ils ne sont pas couverts par les régimes d’assurance-maladie provinciaux », indique le site Web de l’entreprise.
« Nous serions ravis d’être admissibles à la couverture publique de façon constante partout au Canada et nous travaillons fort pour nous assurer que Maple est inclus dans la couverture provinciale dès que la législation le permettra.
Il n’est pas clair d’après la lettre de Duclos si le gouvernement Trudeau réprimera également d’autres exemples de médecins facturant des soins médicalement nécessaires, récemment révélés par CBC News :
- Certaines cliniques chirurgicales à but lucratif facturent jusqu’à 28 000 $ aux patients qui voyagent d’une autre province pour une arthroplastie de la hanche ou du genou.
- Les cabinets médicaux de l’Ontario offrent des rendez-vous virtuels et en personne avec une infirmière praticienne moyennant un abonnement d’environ 30 $ par mois.

La décision de Duclos intervient à un moment de débat croissant sur le rôle du secteur privé dans la prestation des soins de santé financés par l’État au Canada, en particulier alors que les provinces sont aux prises avec des arriérés chirurgicaux et des pénuries de personnel découlant de la pandémie de COVID-19.
Au Parlement ces dernières semaines, les néo-démocrates ont soutenu à plusieurs reprises que le gouvernement Trudeau autorise une privatisation croissante du système de santé et que les entreprises à but lucratif jouent un rôle croissant dans la prestation des soins.
Le gouvernement fédéral a conclu un accord avec les provinces et les territoires le mois dernier pour une augmentation de 10 ans de son accord de financement annuel du Transfert canadien en matière de santé.
La lettre de Duclos avertit que ces transferts pourraient être réduits si les patients doivent payer des frais pour les soins médicaux.
« Les Canadiens paient leurs services de soins de santé avec leurs impôts et ne devraient pas être obligés de payer à nouveau sous forme de frais patients lorsqu’ils ont besoin d’accéder à ces services », écrit Duclos.
« Là où des cas de frais patients pour ces services sont présents, je poursuivrai une réduction des transferts fédéraux en matière de santé d’un montant équivalent. »

Différentes provinces ont des approches différentes en matière de couverture des rendez-vous médicaux virtuels, et certaines des règles ont changé à mesure que la pandémie de COVID-19 s’est estompée.
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Par exemple, depuis décembre dernier, le Régime d’assurance-santé de l’Ontario (OHIP) couvre le coût des consultations virtuelles ou téléphoniques uniquement lorsque le patient a une relation continue avec un médecin. Les visites à la « clinique virtuelle sans rendez-vous » — avec un médecin que le patient n’a pas vu en personne — ne sont pas couvertes.
Ce changement a entravé le modèle commercial d’une autre entreprise proposant des rendez-vous virtuels – Rocket Doctor, qui facture désormais 55 $ pour une visite chez le médecin.
« Les services de soins primaires virtuels et de soins d’urgence ne sont malheureusement plus un service auquel les patients peuvent accéder gratuitement sur Rocket Doctor », indique le site Web de la société, qui exhorte les patients à signer une pétition demandant que cette politique soit annulée.
cbc