les « travailleurs pauvres » en bénéficient également

Crise financière, crise sanitaire, crise inflationniste… En douze ans, le nombre de personnes accueillies par les banques alimentaires a triplé, passant de 820 000 à 2,4 millions. Dans sa dernière étude sur le profil des bénéficiaires de l’aide alimentaire, dévoilée lundi, la Fédération française des banques alimentaires (FBBA) évoque une « marée lente » dans l’utilisation de ses services, « qui n’a jamais reflué ».
L’an dernier, le réseau des banques alimentaires a distribué plus de 260 millions de repas. La grande majorité (94%) des personnes accueillies se situent en dessous du seuil de pauvreté et la plupart (83%) n’ont pas d’emploi. Parmi ces personnes inactives, on retrouve les chômeurs (23%), les retraités (17%), ou encore les personnes en situation de handicap ou d’invalidité (14%). La FFBA observe une augmentation du recours à l’aide alimentaire par les chômeurs de longue durée (+6 points par rapport à 2020) et les jeunes inactifs (+7 points).
Un phénomène de précarité
Surtout, la fédération note que « des populations aux profils de plus en plus différenciés ont désormais recours à l’aide alimentaire ». En 2022, les « travailleurs pauvres » représentaient 17% des personnes accueillies par des associations, des épiceries sociales ou des CCAS (ccentres communaux d’action sociale) membres du réseau des banques alimentaires. Leur revenu moyen était en moyenne de 1 050 euros, soit moins que le SMIC.
Une précarité qui touche même les personnes ayant un emploi stable : 60 % des travailleurs bénéficiant de l’aide alimentaire sont en CDI (+ 4 points par rapport à 2020), souvent à temps partiel. « On voit bien que l’emploi ne protège pas assez et ne permet pas toujours d’avoir des revenus suffisants » pour se nourrir, souligne Laurence Champier, la directrice fédérale des banques alimentaires. « Au-delà de l’émergence des travailleurs pauvres », elle parle d’un « ancrage durable de (ces) nouveaux pauvres dans la société ».
Bien manger avec peu de moyens
La hausse importante des prix alimentaires a rendu de nombreuses personnes dépendantes des associations. Les deux tiers des personnes accueillies par le réseau FFBA ne peuvent aujourd’hui se passer d’aide alimentaire (+15 points par rapport à 2020). Autre preuve de cette « aggravation des problèmes de pouvoir d’achat » : l’alimentation est devenue en 2022 le deuxième poste de dépenses des ménages, derrière le logement et devant les factures d’eau et d’énergie.
En conséquence, la fréquence de recours à l’aide alimentaire a augmenté (+6 %), tout comme le nombre de nouveaux bénéficiaires (+3 %). L’an dernier, plus d’un tiers des personnes accueillies dans les structures du réseau y étaient depuis moins de six mois. La crise oblige les banques alimentaires à faire face à une baisse des dons, tandis que la demande d’aide alimentaire a augmenté de 9 % fin 2022.
Dans ce contexte peu favorable, ils essaient tant bien que mal de proposer une alimentation équilibrée aux personnes accueillies. « La part des fruits et légumes dans l’ensemble des produits distribués est passée de 18 à 24 % en huit ans », indique Laurence Champier. Le directeur fédéral note que ce sont « les produits qui coûtent chers » qui sont les plus demandés, comme la viande, les végétaux, mais aussi les produits d’hygiène. Récemment, la FFBA a également fourni une protection menstruelle aux femmes qui n’en avaient pas les moyens.
Elle s’attache également à améliorer l’accessibilité de l’aide alimentaire, 60 % de son public vivant hors des villes, dont 20 % en milieu rural. Épiceries mobiles, ateliers de cuisine… Pour toucher les personnes qui ne peuvent pas s’y rendre, les banques alimentaires « mettent en place des dispositifs ambulants », développe Laurence Champier. Une manière de « rompre l’isolement » des bénéficiaires de l’aide alimentaire, qui sont, dans 4 cas sur 10, des célibataires.
Fr1