Les marques disent vouloir moins de surconsommation… Faut-il les croire ?


Chaque année, les Canadiens jettent plus de trois millions de tonnes de déchets plastiques, dont seulement 9 % sont recyclés. Face à ce constat, tant les pouvoirs publics que les organisations environnementales et les entreprises tentent de développer des business models plus circulaires et de changer la façon dont nous produisons, consommons et éliminons nos déchets.

Pour lutter contre le gaspillage et favoriser une économie circulaire, le Québec souhaite l’adoption de la Stratégie pancanadienne visant à atteindre zéro déchet plastique d’ici 2030. Le mouvement est mondial : en France, le ministère de la Transition écologique et solidaire, comme ainsi que des organismes nationaux, ont mis en place des actions de sensibilisation au gaspillage et à la surconsommation afin d’encourager une démarche « sobriété ».

Alors que ce mouvement gagne en popularité, il est légitime de se demander en quoi consiste cette approche de la sobriété chez des marques autrement omniprésentes, et comment elles peuvent se positionner ainsi dans une société de surconsommation.

À l’Observatoire de la consommation responsable (OCR), et dans son Laboratoire FCI, le GreenUXlab de l’ESG UQAM, nous réalisons diverses recherches sur les tendances de consommation cohérentes avec ces mouvements de sobriété. Nous avons analysé les réactions des consommateurs face à la sobriété des marques.

Moins, mais mieux

La sobriété en tant que démarche individuelle consiste à passer d’une consommation instinctive à une consommation plus réfléchie, privilégiant la satisfaction des besoins nécessaires et la limitation des achats superflus. Généralement, la sobriété fait référence au « moins, mais mieux », liant consommation, bien-être, santé, environnement et qualité de vie. Elle nécessite une redéfinition de notre rapport à la consommation et remet en cause la satisfaction systématique des désirs immédiats.

Les sondages menés par l’OCR au Québec (Baromètre de la consommation responsable, depuis 2010) révèlent un désir grandissant de consommer plus responsable et une aspiration à repenser nos modèles économiques. Preuve en est que la « consommation responsable » consiste avant tout pour les Québécois à optimiser leur consommation : 64,5 % souhaitent éviter le gaspillage, les déchets, les emballages et 63,1 % optimiser la durée de vie des produits (réparation, réemploi, seconde main).

Plus de la moitié (57,3%) déclarent avoir réduit leur consommation au cours du dernier mois, soit une augmentation de 9,2 points par rapport à 2021. Et 59,4% disent avoir réduit les quantités de produits qu’ils achètent, et plus de 79,8% ont réduit leurs achats d’impulsion. .

Pratiques de déconsommation en action. Baromètre de la consommation responsable (OCR, 2022).

Des consommateurs parfois sceptiques

La sobriété, dont les bases théoriques reposent sur le « démarketing », consiste pour les marques à promouvoir la modération dans la consommation des produits qu’elles commercialisent elles-mêmes. De nombreuses marques tentent de réduire leur impact sur l’environnement. C’est le cas par exemple de la marque Attitude, avec OCEANLY, une ligne de soin qui propose des packagings innovants entièrement recyclables et biodégradables. Ces produits offrent aux consommateurs une alternative aux cosmétiques habituels, responsables chaque année de 120 milliards d’emballages dont la plupart ne sont pas recyclés.

Cependant, ce choix pourrait être risqué. Les consommateurs sont sceptiques à l’égard des entreprises et s’interrogent sur leurs motivations. Pour réussir, une démarche de sobriété doit émerger d’une profonde réflexion d’une marque et doit être ancrée dans toutes les décisions de l’entreprise.

Certaines marques le font. Patagonia incarne cette vision dans son ADN et met en avant un message de prise de conscience concernant ses choix de consommation et leur impact sur la nature. En 2011, la marque devient une référence en matière de démarketing en décourageant l’achat de ses produits lors du Black Friday. Ce faisant, il promeut une consommation plus responsable et minimaliste.

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Campagne de démarketing de Patagonia en 2011. (New York Times)

Cependant, de nombreuses marques ont du mal à faire accepter ce positionnement, compte tenu de la dualité entre ce message de réduction et l’essence mercantile inhérente aux entreprises. En effet, la sobriété oblige le marketing à favoriser des pratiques contre nature qui favorisent une consommation plus minimaliste dans un contexte où la surconsommation est inhérente à plusieurs modes de vie.

La sobriété reste une approche prometteuse et devrait être étudiée plus avant. Ainsi, nous avons examiné la cohérence, pour le consommateur, entre l’image de marque des différentes entreprises (responsable, non responsable) et le ton utilisé dans leur communication (optimiste, pessimiste).

Un attachement et une intention d’achat plus forts

Les consommateurs considèrent les marques qui ont opté pour la sobriété comme pertinentes. Ils réussissent non seulement à satisfaire les besoins utilitaires des consommateurs, mais aussi à répondre aux enjeux écologiques qui les touchent particulièrement.

La stratégie de sobriété devient ainsi un outil de différenciation pour les marques, garantit leur pérennité sur le marché et les distingue de leurs concurrents.

Selon nos résultats, les marques responsables qui s’orientent vers la sobriété sont perçues comme plus cohérentes dans leur message d’éco-responsabilité et moins hypocrites. Leur positionnement favorise un attachement plus fort et une plus grande intention d’achat à leur marque. Considérant que l’attachement affectif est à la base de relations durables, cet impact n’est pas négligeable.

Mais ce n’est pas le cas de toutes les marques, notamment celles qui ont opté par le passé pour une stratégie marketing moins responsable et tentent aujourd’hui de se repositionner vers la sobriété.

Notre expérimentation menée auprès de 700 personnes met en évidence l’importance pour ces marques de communiquer efficacement leur nouveau positionnement afin de ne pas être associées au greenwashing. Une communication basée sur l’émotion pourrait faire la différence.

Stimuler l’optimisme reste la stratégie clé pour attirer les clients

Repositionner une marque sur un nouveau marché nécessite de réfléchir en amont à la manière de la communiquer efficacement. Le ton du message adopté joue donc un rôle déterminant.

Selon les recherches, les émotions motivent les individus à changer leur perception et leur intention de consommer de manière plus responsable.

Le ton optimiste fait référence à une émotion positive et à un sentiment de confiance dans l’issue d’une situation. Par exemple, une marque peut promouvoir ses efforts pour protéger l’environnement de manière positive en utilisant des messages orientés vers la possibilité d’un avenir plus favorable. La société myni, qui propose des produits corporels et nettoyants sans plastique, adopte un ton optimiste en communiquant les aspects ludiques des produits et leur effet positif sur la planète, avec des messages engageants.

Nos recherches montrent que le ton optimiste motive l’individu à consommer davantage de marques qui choisissent la sobriété, quelles que soient leurs pratiques et actions marketing passées.

L’utilisation des émotions positives dans la communication peut donc motiver les individus à changer leur perception négative de la marque et lui offrir une nouvelle chance d’agir en faveur de l’environnement.

Kolli Inès, docteur en marketing, chercheur à l’Observatoire de la consommation responsable, Université du Québec à Montréal (UQAM), Université du Québec à Montréal (UQAM); Amélie Guèvremont, Maître de Conférences, Marketing, chercheuse à l’Observatoire de la Consommation Responsable, Université du Québec à Montréal (UQAM) et Fabien Durif, Professeur ordinaire, Directeur de l’Observatoire de la consommation responsable (OCR) et du Laboratoire FCI GreenUXlab, Université du Québec à Montréal (UQAM)

Cet article est republié de The Conversation sous une licence Creative Commons. Lire l’article d’origine.

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