Les leçons de Kim et Laurence

Je parle ici de Kim Boutin et de Laurence St-Germain qui, par leur parcours et leurs décisions respectives, influencent l’entraînement d’autres athlètes qui suivront, je l’espère.
Notre système sportif et nos entraîneurs à tous les niveaux doivent prendre des notes et lire, entre autres, cet article sur la plateforme Podium signé par Laurence elle-même. Une réflexion qui pourrait servir de thèse sur la performance, et ce, à bien des égards.
J’y reviendrai plus en détail. Tout d’abord, je tiens à applaudir Patinage de vitesse Canada (SPC), qui fait preuve de flexibilité en soutenant Kim Boutin dans son parcours académique.
Je crois depuis longtemps que nous devons être plus ouverts à la modification de nos programmes pour permettre des parcours adaptés aux besoins de nos athlètes plus expérimentés.
Un cycle olympique peut parfois sembler court, mais pour les athlètes qui en sont à leur deuxième ou troisième cycle, il devient très long. Maintenir le rythme requis pour rester au sommet de sa discipline sur une période de 8 ou 12 ans est presque impossible. Il faut donc trouver des moments pour permettre aux athlètes de se ressourcer et de consacrer plus de temps à leur développement personnel, comme faire du rattrapage scolaire.
Je vois deux effets très bénéfiques sur les performances. D’une part, l’athlète s’assure d’avoir d’autres options dans la vie une fois le sport terminé. Deuxièmement, se retirer temporairement de la compétition lui fait apprécier à quel point il ou elle aime son sport.
S’il y a une chose que COVID nous a montrée, c’est que l’impact positif d’être tenu à l’écart de votre sport pendant un certain temps est indéniable. Malgré le manque d’accès aux différentes plateformes d’entraînement pendant plusieurs mois, on a vu un nombre extraordinaire de records lors des Jeux de Tokyo et de Pékin.
Il faut donc arrêter de penser que si nous nous éloignons de notre sport pendant des mois, nous perdrons tous nos acquis. Au contraire. Nous pouvons profiter de cette période pour travailler sur d’autres aspects de notre performance sans être pressés par un calendrier de compétition.
C’est exactement ce virage plus holistique qu’a pris l’équipe de courte piste. Nous pensons d’abord à la personne afin de développer des athlètes plus complets et épanouis. Ils sont même en train de construire un salon des athlètes à l’aréna Maurice-Richard où il y aura plusieurs images rappelant le passé victorieux, mais surtout des références à cette approche plus complète de l’athlète.
A l’entrée, il y aura une image très forte d’un immense verre d’eau pour renforcer ce message positif de voir la vie comme un verre à moitié plein. Ajoutée à ce verre, la mention Performances 360
vouloir valoriser les trois sphères de la vie d’un athlète ; le sport, l’école et la vie personnelle.
Avec cette culture centrée sur la personne derrière l’athlète, je n’ai aucun doute que Kim Boutin reviendra plus forte, plus épanouie, lorsqu’elle sera sur sa prochaine ligne de départ.
Passons à Laurence St-Germain. Que vous soyez un athlète, un bénévole, un entraîneur, un militant ou même un parent, nous pouvons tous tirer des leçons du parcours extraordinaire de ce champion du monde.
Je ne connaissais pas vraiment l’histoire de son parcours à part ses résultats et ses blessures qui ont défrayé la chronique au fil du temps. En lisant ce texte, j’étais aussi heureuse que lorsque j’ai ouvert mon téléphone le matin où elle est devenue championne du monde.
Rien de mieux qu’une histoire où l’héroïne connaît des embûches à tel point que beaucoup cessent de croire en leur potentiel et que grâce à leur force de caractère, boum, elles parviennent à surmonter tous les obstacles.
Voici donc les enseignements à tirer de ce parcours, qu’elle qualifie elle-même d’atypique :
1. La qualité de nos formations doit être un puits de confiance
Même si elle commençait à s’inquiéter de ne pas pouvoir reproduire les progrès qu’elle faisait à l’entraînement en compétition, sa technique s’était clairement améliorée de façon spectaculaire cette année. Dans des sports comme le ski, quand on progresse techniquement, il y a toujours une période d’adaptation avant d’être cohérent dans l’application de ses nouvelles connaissances en compétition.
2. Nous devons être des étudiants de notre sport
La plupart des grands champions avec qui j’ai travaillé sont ce qu’on appelle des nerds dans leur discipline. Par ailleurs, Mikaël Kingsbury qui vient de remporter son 24e Globe de cristal est probablement aussi détenteur de 24 titres mondiaux dans la catégorie meilleur élève dans son sport
. Depuis tout petit, je le voyais étudier des vidéos des meilleurs skieurs pendant des heures et des heures.
Sa mère Julie me raconte aussi que dès que Mikaël est revenu de l’école, il est allé directement à l’ordinateur pour trouver de nouvelles pistes de ski de bosses à analyser. Il en profite également pour éduquer sa mère sur la technique de ses idoles de l’époque, au grand bonheur de maman qui s’initie au ski de bosses, mais surtout passe du temps de qualité avec son fils.
L’un des déclics de Laurence s’est produit précisément lorsqu’elle a décidé d’analyser méthodiquement les descentes des six femmes classées devant elle lors de la course en République tchèque. Donc! Regarder ces vidéos intentionnellement et non parce que le formateur vous oblige à faire une séance vidéo avec lui vous permettra d’assimiler plus efficacement les moments forts.
Bref, entre se faire dire regarde sur ta gauche tu es encore un peu déséquilibré
et dites-vous en regardant la vidéo de Shiffrin OK, c’est comme ça qu’elle applique la pression dans son virage à gauche
inutile de vous dire ce qui aura le plus d’impact à l’entraînement du lendemain.
3. L’entraîneur doit aider l’athlète à devenir plus indépendant
C’est en partant skier seule en faisant des exercices spécifiques que Laurence a vraiment compris ce qu’elle devait faire sur ses skis pour lui permettre de faire deux descentes de compétition au maximum de ses capacités.
Comme un parent, l’entraîneur doit permettre à l’athlète de voler seul. Ce n’est pas toujours facile, car avec nos enfants, nous voulons souvent répondre à des questions à leur place ou les protéger pour qu’ils ne se blessent pas en apprenant de nouveaux sports. C’est pourtant le seul moyen d’y arriver, l’enfant doit chuter plusieurs fois avant de marcher, car l’athlète doit avoir la confiance nécessaire pour prendre ses propres décisions s’il veut devenir champion.
C’est d’ailleurs William, le frère de Laurence, qui résume le mieux ce concept lorsqu’il a dit à sa sœur quelques semaines avant les Mondiaux de mettre les deux mains sur le volant de sa saison et de se prendre en main.
4. L’athlète doit avoir d’autres intérêts dans la vie
Aucune explication nécessaire ici. Elle est en deuxième bac Et Champion du monde!
Ceux qui me connaissent savent à quel point j’aime gagner. Ne pensez pas que je cherche à diminuer l’importance de la victoire ici, au contraire, à mon avis, c’est la meilleure façon d’y arriver.
Il est grand temps d’arrêter de voir un dilemme entre bien-être et victoire. Laurence et Kim nous prouvent une fois de plus cette semaine que ce n’est pas une question de choix, la victoire passe bel et bien par le bien-être.
journalmetro