Les émissions de méthane passent inaperçues à Montréal

Ce texte fait partie du cahier spécial génie québécois
Une équipe de recherche de l’Université McGill a démontré que les décharges et les regards de Montréal émettent de grandes quantités de méthane. Cependant, les rapports de la Ville de Montréal sur ses émissions de gaz à effet de serre (GES) n’en tiennent pas compte.
Avant 2020, la professeure adjointe Mary Kang du Département de génie civil de l’Université McGill et son équipe se concentraient sur la mesure des émissions de méthane provenant des opérations pétrolières et gazières. Cependant, la pandémie a considérablement réduit leur capacité à voyager. L’équipe s’est donc rabattue sur un projet qui avait débuté à très petite échelle en 2019 : mesurer les émissions de méthane des anciens dépotoirs, des égouts et des réseaux de distribution de gaz naturel sur l’île de Montréal.
« Nous avons effectué 615 mesures individuelles à ces endroits, qui comptent parmi les quatre plus importantes sources d’émissions de méthane à Montréal », explique Mary Kang. Elle est l’auteur principal d’un article basé sur cette recherche, qui a été publié dans la revue scientifique Sciences et technologies de l’environnement et dont l’auteur principal est le doctorant James Williams.
La Ville de Montréal vise la neutralité carbone d’ici 2050 et s’est dotée d’un plan comprenant 46 mesures pour y parvenir. Elle prépare également des bilans des émissions de GES sur son territoire, afin de mesurer ses progrès. Cependant, il ne prend pas en compte le méthane produit par les anciennes décharges et égouts. « Ce n’est pas la seule ville à sous-estimer les émissions de méthane sur son territoire, admet Mary Kang. Au Canada, Toronto a mené une étude à ce sujet il y a quelques années, mais la plupart des villes canadiennes se fient plutôt aux estimations d’autres pays, qui ne donnent pas une image précise de la situation. »
Un puissant facteur de réchauffement climatique
Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement, le méthane serait responsable d’environ 30 % du réchauffement climatique depuis l’époque préindustrielle et sa croissance est plus rapide qu’à tout autre moment depuis sa première mesure dans les années 1980. Les données de la National Oceanic and Atmospheric Administration des États-Unis indiquent que le méthane atmosphérique a continué d’augmenter pendant les fermetures liées à la pandémie en 2020.
Sur une durée de 20 ans, son effet réchauffant est plus de 80 fois plus puissant que celui du CO2. Les villes produisent environ 20 % des émissions mondiales de méthane qui proviennent de l’activité humaine.
Des travaux de l’équipe de l’Université McGill ont montré que les anciennes décharges de l’île de Montréal ont émis en moyenne 901 tonnes de méthane en 2020, avec un pic enregistré à 1 541 tonnes. Cela provient notamment de la putréfaction de la matière organique qui s’y trouve. Ce sont les endroits qui présentent le plus grand potentiel de réduction des émissions, mais au coût le plus élevé. Les égouts ont généré en moyenne 786 tonnes de méthane, avec un pic enregistré à 2602 tonnes. Ces émissions pourraient être atténuées à moindre coût, mais les solutions pour y parvenir ne sont pas encore commercialisées.
Les installations de distribution de gaz naturel ont émis 451 tonnes de méthane en moyenne en 2020, avec un pic à 843. Augmenter la fréquence des réparations pour colmater les fuites de ce réseau serait un moyen rapide et efficace de réduire ces émissions de méthane. à un coût relativement modeste.
Estimations trompeuses
Les mesures effectuées dans l’étude de l’Université McGill sont basées sur un très petit échantillon. Par exemple, les 136 égouts observés dans l’étude représentent 0,03 % de tous les égouts de Montréal. « D’autres mesures seront donc nécessaires pour avoir une idée encore plus précise des quantités de méthane générées par ces installations », précise Mary Kang. Mais nos travaux montrent que la Ville de Montréal doit tenir compte de ces sources d’émissions de méthane dans le calcul de ses émissions de GES, si elle veut vraiment atteindre ses objectifs. »
D’autant que les estimations basées sur des données étrangères ne correspondent pas forcément à notre situation. « Par exemple, les émissions des anciennes décharges et des égouts dépendent largement des conditions météorologiques, des sols et des processus atmosphériques, qui varient d’un endroit à l’autre de la planète », explique Mary Kang. Il est donc essentiel de mesurer ce qui se passe réellement dans nos propres villes. »
Ce contenu spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relatif à la commercialisation. La rédaction de Devoir n’a pas participé.
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