Le visage féminin de la guerre en Ukraine


« La guerre n’a pas un visage de femme. Cette phrase clichée ne reflète guère la réalité de la guerre au 21e siècle.

L’invasion russe de l’Ukraine, par exemple, a le visage d’une femme avec son enfant à la frontière polonaise, fuyant les bombes pour le bien de l’enfant ; le visage d’une jeune fille torturée et violée par des soldats russes ; elle a aussi et surtout le visage d’une militaire, d’une politicienne et d’une militante, mettant leurs efforts au service de la victoire de leur nation.

Le 23 février marquait l’anniversaire de la veille de l’invasion, mais il marquait aussi la « Journée du défenseur de la patrie » en Russie. Une fête hautement symbolique où les femmes célèbrent les hommes pour ce qu’ils sont. Cette date est également révélatrice du machisme présent dans la société russe. Ces hommes, célébrés chaque année pour leur virilité, leur force et leurs valeurs traditionnelles, sont aujourd’hui des soldats de l’armée russe, dont beaucoup commettent des actes de viol contre des femmes ukrainiennes.

Des civils ordinaires, tels que Viktoria, Olha, Svitlana, Iryna et sa fille de 14 ans ont tous été victimes de violences sexuelles par des soldats russes. Les témoignages de tels actes, commis sur des personnes âgées de 4 à 85 ans, affluent depuis avril 2022.

« Quand des femmes sont détenues pendant des jours et violées, quand vous voyez une série de mutilations génitales, quand des soldats russes sont équipés de Viagra, c’est clairement une stratégie militaire », a déclaré Pramila Patten, la représentante spéciale du secrétaire général de l’ONU sur la violence sexuelle en Conflit. Notre responsabilité en tant que société luttant contre l’impunité en matière de violences sexuelles est immense : le viol est un crime de guerre et justice doit être rendue.

Certes victimes de la guerre, les filles et les femmes ukrainiennes ont surtout fait preuve d’un patriotisme et d’un engagement sans pareil. Que ce soit en première ligne, dans les centres de bénévolat, sur les réseaux sociaux ou dans les organisations politiques, les femmes ukrainiennes contribuent toutes à l’effort de victoire.

Près de 60 000 femmes sont aujourd’hui membres des forces armées ukrainiennes, ayant choisi d’enlever leurs vyshyvankas (chemises ukrainiennes traditionnelles) pour porter des uniformes militaires, souvent cousus uniquement pour la morphologie masculine. Malgré une misogynie systématique dans les hautes sphères militaires, la forte implication des femmes ukrainiennes oblige à changer ces appréhensions sexistes.

« Une Ukrainienne est capable de tout », a déclaré Maryna Potapenko, vice-ministre ukrainienne de la Jeunesse et des Sports.

La lauréate du prix Nobel de la paix, Oleksandra Matviichuk, est l’incarnation de cette déclaration. Son équipe du Center for Civil Liberties a passé les huit dernières années à documenter les crimes de guerre russes. Le changement d’attitude envers l’égalité des sexes, qui est déjà en cours, sera l’un des piliers de la reconstruction d’après-guerre en Ukraine. Le Canada, promouvant une politique étrangère féministe, doit soutenir Kiev dans ce processus.

La victoire de l’Ukraine aura aussi un visage de femme. Et ses alliés occidentaux devront prouver que les femmes ukrainiennes peuvent compter sur elles, tant en termes de justice internationale que de transformations institutionnelles d’après-guerre visant à autonomiser les femmes ukrainiennes.

Katerina Sviderska est étudiante à la maîtrise en sciences politiques à l’Université de Montréal.

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