Le bloc populiste

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CHRONIQUE – Je suis assez vieux pour me souvenir, avec suffisamment de détails, du tremblement de terre causé par l’arrivée du Bloc Québécois sur la planète politique. Un gros 9,9, à l’échelle « canadienne ».
Car du jour au lendemain – après l’échec de Meech, mais avant celui de Charlottetown – la création d’un parti uniquement destiné aux intérêts québécois changerait drastiquement la dynamique habituellement applicable en matière de mathématiques électorales. Au point que, un peu plus de deux ans après son avènement, le parti de Lucien Bouchard est devenu… l’opposition officielle à Ottawa. On devine, sans forcer, le visage des électeurs occidentaux anti-libéraux devant se contenter des méchants « séparatistes » afin de contrer les pulsions de Jean Chrétien.
Je me souviens aussi de quelques périodes de questions épiques, à la Chambre des communes, où un Bouchard plein de verve, d’érudition et de culture sommait le ROC de respecter l’existence du Québec. Le ton est sans doute donné, dont Gilles Duceppe va s’inspirer, à sa manière. Minutieux, rigoureux et humaniste, ce dernier s’est fait un point d’honneur de représenter les intérêts de sa nation en portant sur ses épaules, et en toute intelligence, les dossiers de fond pertinents : assurance-emploi, déséquilibre fiscal, francophonie et combien d’autres. Moyenne au bâton ? Excellent. Le cœur à la bonne place, il savait aussi être tenace, obstiné. Chose rare, n’en déplaise aux citoyens du ROC, avec qui il a souhaité tisser des liens, porteurs de ponts.
Autre fleur à son chapeau : les multiples interventions dans le domaine des Affaires étrangères, notamment au regard du sort scabreux réservé à l’enfant soldat Khadr. Bien que ce dernier n’ait essentiellement rien à voir avec le Québec, le Bloc de Duceppe en deviendra le principal ambassadeur, poussant dans le dos du gouvernement Harper pour obtenir son rapatriement.
En fait, sa formation était si efficace que certains allaient lui reprocher d’améliorer sinon le Canada lui-même, du moins le sort du Québec dans la fédération, un accomplissement qui contredit les aspirations souverainistes du parti. Au-delà du paradoxe, la démocratie se savait en bonne santé, le Bloc élevant, nonobstant la partisanerie obligée, le débat de quelques paliers.
***
Samedi soir dernier, le titre d’un article de Devoir apparaît dans mon fil d’actualité :
Intersectionnalité : Trudeau imposerait une idéologie éveillée aux Québécois.
Je ris, mais continue.
Ottawa utilise l’intersectionnalité comme une « arme » contre les Québécois, dit Blanchet.
On dirait un sketch des Cyniques. Mais il est apparemment sérieux, le Blanchet. Un anthropologue qui présente l’intersectionnalité – prisée par une sociologie reconnue et détaillée – comme une « arme anti-québécoise » ? Difficile d’écrire, 48 heures plus tard, ces mots sans rire. Pour quelle raison? Parce que mon cerveau commence à imaginer Bouchard, avec son ton sévère, hurlant la même chose. Allez, essayez ça chez vous, en l’imitant. Tu verras, c’est chiant. Idem si vous tentez la même chose avec le ton Duceppe plus sympathique. Même résultat.
L’intersectionnalité s’ajoute donc, nous dit Blanchet, au « racisme systémique », autre concept sociologique reconnu mis en avant par Ottawa pour étouffer (raider) le bon patriote. Une chance, là encore, que l’ironie ne tue pas. Sinon, la morgue ferait de bonnes affaires. Car sans même s’en rendre compte, le chef du Bloc intègre dans son discours les notions d’intersectionnalité et de racisme systémique, qu’il applique à la réalité québécoise – ou simplement francophone – du pays.
Ajoutez à cela la publicité dégoûtante sur le forfait « tout compris » apparemment offert par Roxham Road, ou encore les candidatures maintenues de ses candidats islamophobes, et je me dis qu’on est loin du Bloc d’antan. Car si certains de ses adjoints font tout ce qu’ils peuvent, mettant leur intelligence, leurs compétences et leur humanisme au service des grands dossiers, disons que leur chef les éclipse en cédant aux chants de De Santis ou de Carlson, c’est selon pour. Appelez ça un leader qui prend son parti, et surtout le débat public, face à la pègre boueuse du populisme, de la division et de la construction de l’homme de paille.
Quel gâchis.
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