La dette de la Caisse explose

Dans un contexte financier mouvementé, la Caisse de dépôt et placement a augmenté substantiellement son endettement l’an dernier, une situation qui peut présenter certains risques, selon un expert.
Fin décembre, le passif de l’institution, ou ce qu’elle doit aux créanciers, atteignait 71,9 milliards de dollars, soit 37 % de plus qu’un an plus tôt, selon les derniers états financiers.
Ces passifs représentaient 15 % de l’actif total de la Caisse, comparativement à 11 % à la fin de 2021. Il faut remonter à 2014 pour trouver un pourcentage plus élevé (17 %).
Cependant, l’endettement relatif de la Caisse est inférieur à celui d’autres grands investisseurs canadiens, dont l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada (21 % de l’actif total) et OMERS (17 %).
Accord de rachat
L’augmentation s’explique principalement par le recours accru à un type d’emprunt à court terme appelé « repurchase agreement », plus connu sous son surnom anglais, « repo ».
Par ce processus, la Caisse de dépôt vend des titres tels que des obligations d’État à un autre investisseur, puis les rachète à un prix légèrement supérieur quelques jours ou semaines plus tard.
Les caisses de retraite ont de plus en plus recours à cette forme d’« ingénierie financière », souligne Denis Latulippe, professeur à l’Université Laval et ancien actuaire en chef du Régime de rentes du Québec (RRQ).
Taux d’intérêt
L’objectif n’est pas de spéculer, mais de faire en sorte que les actifs de la Caisse de dépôt réagissent davantage aux fluctuations des taux d’intérêt, explique le spécialiste. C’est important parce que le passif des régimes de retraite, qu’il s’agisse du RRQ ou de celui des employés de l’État, est très sensible aux taux d’intérêt.
En général, la Caisse n’augmente pas significativement sa prise de risque en utilisant cette forme de levier financier, soutient M. Latulippe.
« Mais si c’est mal fait, il peut y avoir des situations où […] ça peut être un problème », prévient-il néanmoins.
Crise au Royaume-Uni
L’automne dernier, c’est ce qui s’est passé au Royaume-Uni, note l’actuaire. Une hausse soudaine des taux d’intérêt liée à un projet de budget gouvernemental mal conçu a plongé plusieurs fonds de pension dans des crises de liquidité, obligeant la Banque d’Angleterre à intervenir.
La Caisse a refusé de mettre un de ses dirigeants à disposition pour donner plus de détails au Enregistrer sur la stratégie d’augmentation de son passif.
Une porte-parole, Kate Monfette, s’est bornée à dire que la situation résultait d’un besoin accru de liquidités lié à l’augmentation de ses investissements dans les infrastructures ainsi que dans les crédits aux entreprises et aux gouvernements.
Rappelons que le « risque absolu » du portefeuille de la Caisse a atteint 16,8 % en 2022, ce qui est légèrement supérieur à celui de son indice de référence (16,1 %). En 2021, il était de 14,9 %.
Dette Caisse
- Responsabilités totales: 71,9 milliards de dollars (+37%)
- Obligations : 32,8 milliards de dollars (+ 30%)
- Contrats de rachat : 29,6 milliards de dollars (+97%)
- Autres passifs : 9,6 milliards de dollars (-22%)
- Actifs totaux : 473,8 milliards de dollars (+0,3%)
- Actif net : 401,9 milliards de dollars (-4,3%)
Remarque : données au 31 décembre 2022
journaldequebec