[Grand angle] La couverture d’un livre, une invitation à la découverte
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Le vieil ancêtre du livre, le papyrus, n’avait pas vraiment de couverture pour annoncer ses couleurs. Ce premier support d’écriture ne cessera d’évoluer au fil des siècles, devenant de plus en plus accessible au rythme des avancées technologiques. L’invention de l’imprimerie par Johannes Gutenberg et le raffinement des techniques de reliure vont modifier la perception symbolique du livre. Jusqu’à la Renaissance, il était considéré comme un objet précieux, car il contenait des textes religieux et sacrés ; les bonnes gens n’avaient pas le droit d’y toucher.
En parfaite synchronie avec la révolution industrielle, l’apparition des couvertures amovibles, de la chromolithographie et du papier bon marché stimule l’arrivée des magazines illustrés, livre de poche et son équivalent français, le livre de poche. S’il est vrai qu’on ne juge pas un livre à sa couverture, il respecte depuis longtemps les principes de la société de marché. Et cela peut aussi être une œuvre d’art à part entière.
Entre commerce et expression artistique, envie d’accrocheur et envie de jouer la carte de la subtilité, qu’est-ce qui guide les illustrateurs et les éditeurs dans la conception d’une couverture ? Le processus n’est en aucun cas une science exacte, autant une question d’instinct que de quelques lignes directrices qui garantissent que les ouvrages d’une maison d’édition se démarquent facilement des autres sur les étagères d’une librairie ou d’une bibliothèque.
« Qu’est-ce qu’une bonne couverture ? Je ne prétends pas le savoir, dit Benoit Tardif, directeur artistique et copropriétaire des Éditions de Ta Mère. Notre objectif est de faire un beau livre, et que la couverture devienne son emblème. Chaque livre de cette maison d’édition porte également un emblème différent, même si la signature de Benoit Tardif est le principal fil conducteur.
Une couverture doit évoquer l’esprit du livre, mais de la manière la plus ouverte et la plus attrayante possible, idéalement d’un coup d’œil. C’est un concours d’attirance et de beauté.
« Au début, on avait une grille graphique plus stricte d’un livre à l’autre, raconte l’illustrateur, responsable de la majorité des couvertures de sa maison d’édition. Mais cela a limité nos choix. Maintenant, si le logo de la maison ne fonctionne pas avec la couverture, nous ne le mettons pas. Le résultat : des illustrations aux couleurs vives avec des formes simples qui attirent immédiatement le regard. Selon Benoît Tardif, Manipuler avec soinde Carolanne Foucher, Verdunlandpar Timothée-William Lapointe et le baron Marc-André Lévesque, ainsi que Haut démolitionpar Jean-Philippe Baril Guérard, ont parfaitement atteint leur cible. A propos de ce dernier livre, l’illustratrice est tout aussi fière de sa réussite, de son impact, que de la force de frappe de la couverture avec ce cercle de briques rouges se refermant sur un comédien.
Le royaume de la beauté
« Une couverture doit évoquer l’esprit du livre, mais de la manière la plus ouverte et la plus attrayante possible, idéalement d’un coup d’œil. C’est un concours d’attirance et de beauté », explique Antoine Tanguay, président-fondateur des Éditions Alto. Même si selon lui, et à regret, « on juge encore trop le livre à sa couverture ».
Toujours est-il que ceux concoctés par Alto ne passent pas inaperçus, comme en témoigne Guilaine Spagnol, propriétaire de la librairie La Maison des Feuilles, à Montréal. « Les clientes me parlent beaucoup de leur beauté », confie celle pour qui les couvertures sont très importantes. Car en tant que lectrice, surtout face à des auteurs dont elle ne connaît rien, c’est une véritable incitation à y regarder de plus près. Elle donne en exemple les oeuvres de l’auteur anglais David Mitchell (L’âme des horloges, Les mille chutes par Jacob de Zoet).
Graphiquement, Antoine Tanguay aborde le travail d’un écrivain étranger différemment de celui des auteurs locaux. « Pour Dominique Fortier ou Heather O’Neill, j’ai un modèle québécois, mais pour les auteurs d’ailleurs, je me laisse aller un peu plus lâche ! À tel point, d’ailleurs, qu’il explique une partie du succès de David Mitchell (« très connu dans le monde, mais très peu au Québec ») par l’opulence et la singularité de chacune des couvertures de ses livres. offert en français à Alto. « J’ai fait le total, et je me suis bien amusé », raconte l’éditeur de Québec.
Cette notion de plaisir doit aussi guider ceux dont la mission est d’offrir un écrin, ou une robe, à toutes ces histoires écrites sur papier. « Je le vois comme une affiche de film, quelque chose sur laquelle on va projeter plusieurs sens, plusieurs questions », résume Sara Hébert, auteure et collagiste, pour qui friperies et brocantes sont autant des terrains de jeux que des cavernes. d’Ali Baba. Toujours à la recherche de magazines, et d’images en tous genres, elle aime agencer ses découvertes pour leur donner un nouvel éclat, ou une vision totalement détournée. Bref, c’est une sorte de scrapbooking » raffinée dont Sara Hébert est friande.
Entre opulence et comptage
« Illustrer un livre est un jeu de perceptions », dit celui qui a concocté les couvertures de La fille d’elle–mêmepar Gabrielle Boulianne-Tremblay (marchand de feuilles), et La trajectoire des confettis, de Marie-Ève Thuot (Herbes rouges). Sa démarche pourrait ressembler à celle d’un funambule ; tantôt en pleine maîtrise du fil, tantôt loin des attentes de ceux qui sollicitent ses services. « Pour la couverture de La fille d’elle-même, on voulait voir une belle fille avec des cheveux blonds, une robe, une maison, et il fallait intégrer tous ces éléments dans un petit format. Je pense que c’est réussi, parce que ça saute aux yeux. Par contre, j’ai déjà fait 60 tentatives de couverture et, au final, on a opté pour une photo de l’auteur… » Quant à son propre livre paru il y a quelques mois, joyau de banlieue (marchand de Feuilles), Sara Hébert savait exactement ce qu’elle voulait, et son éditrice lui donna rapidement son accord.
Une illustration ou une photo de l’auteur – Amélie Nothomb, par exemple, toujours intronisée sur les exemplaires de ses romans – est-elle indispensable pour assurer la meilleure trajectoire du livre ? Selon Antoine Tanguay, qui ces dernières années a offert des reprises magnifiquement audacieuses (Le Christ obèsepar Larry Tremblay; maléfiquepar Martine Desjardins; Ne jamais essuyer larmes sans gantspar Jonas Gardell), la sobriété peut aussi être une excellente carte de visite.
Pour preuve, la démarche esthétique de la maison d’édition Le Quartanier. « C’est un bel exemple d’austérité, souligne Antoine Tanguay. Même police, même format, seule la couleur change : c’est reconnaissable instantanément, et c’est génial ! Entre opulence et dénuement, le véritable écueil lors de la conception d’une couverture serait de se laisser guider par des considérations bassement commerciales, ou de simple mauvais goût, selon Guilaine Spagnol. « Une couverture très laide, très datée avec des couleurs criardes et une typographie un peu laide ne me fera certainement pas regarder ce livre en premier », dit-elle avec insistance.
Jeu de perceptions et d’équilibrisme, selon Sara Hébert, le design d’une couverture apparaît comme un élément essentiel pour sa commercialisation, sa pérennité, ainsi que l’image de la maison d’édition qui lui est associée. . Si l’éditeur a sa vision de l’ouvrage à publier, et qu’il intègre l’auteur dans sa démarche – ce n’est pas toujours le cas – sa mission première et la plus exigeante est de transformer un manuscrit en livre, véritable travail de longue haleine. Pour Antoine Tanguay, l’affaire est entendue : « Une très jolie couverture ne peut jamais être le bon maquillage d’un mauvais roman. »
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