fin de partie pour l’indéracinable président Milo Djukanovic ?

L’ère du changement sonnera-t-elle au Monténégro ? L’indéracinable Milo Djukanovic tombera-t-il de son piédestal lors de l’élection présidentielle dont le premier tour se tient ce dimanche 19 mars ?
Le président de 61 ans préside aux destinées du pays depuis plus de trente ans. Il a été tour à tour Premier ministre et président du Monténégro depuis 1991 – à l’époque de la Yougoslavie, puis de la Serbie-et-Monténégro et enfin du Monténégro, qu’il a conduit à l’indépendance en 2006. Et son Parti démocratique des socialistes (DPS) a tenu toutes les leviers du pouvoir jusqu’à ce qu’il soit évincé lors des législatives d’août 2020 par une coalition hétéroclite dont le seul point commun était de vouloir tourner la page.
« Milo Djukanovic soufflait un mauvais vent sur la coalition »
Dans ce petit pays de 620 000 habitants« ce changement avait suscité un immense espoir puis une grande désillusion », rapporte Srdjan Cvijic, du think tank Belgrade center for security policy. La coalition très instable a fait face à des motions de défiance et le pays s’est retrouvé paralysé, incapable de former un gouvernement depuis l’été dernier. « Milo Djukanovic soufflait un mauvais vent sur cette coalition », il ajoute.
Malgré la volonté de changement qui s’est à nouveau manifestée par le recul du DPS lors des élections locales d’octobre dernier, il n’est pas certain que Milo Djukanovic soit écarté du pouvoir. Le scrutin s’annonce très ouvert. Selon les sondages, trois des sept candidats à la présidentielle sont susceptibles d’atteindre le second tour.
« Djukanovic pouvait encore gagner »
Qui de l’autre vétéran de la politique monténégrine, Andrija Mandic – du Front démocratique, très proche du régime autoritaire d’Alexander Vucic à Belgrade – ou du jeune libéral de 36 ans Jakov Milatovic, nouveau venu en politique et co-fondateur du Fête européenne ? Désormais, affrontera Milo Djukanovic au second tour prévu le 2 avril ?
« Mandic fait peur, il représente la domination serbe et est considéré comme quelqu’un qui veut diviser le pays. Face à lui, Djukanovic pouvait encore s’imposer, alors qu’il aurait toutes les chances d’être évincé face à Milatovic », explique Srdjan Cvijic. Et ce, même si Milatovic n’est entré dans la course présidentielle que très récemment, il y a même pas un mois, lorsque la commission électorale s’est empressée de disqualifier le candidat de son parti, Milojko Spajic, en raison de sa double nationalité serbe.
Les élections législatives fixées au 11 juin
Même si la fonction présidentielle est en grande partie cérémonielle, le départ de Djukanovic serait symboliquement très important pour marquer un changement de cap après trois décennies de régime autoritaire. Et un pouvoir largement entaché de soupçons de corruption, de fraude électorale et de liens avec le crime organisé. En 2015, le réseau de journalistes d’investigation sur la corruption et le crime organisé OCCRP a nommé Milo Djukanovic « l’homme de l’année dans le crime organisé ».
Nul doute que son parti DPS accélérerait son déclin lors des élections législatives qui se tiendront le 11 juin. Face à l’impossibilité de trouver une majorité pour gouverner le pays, le président a dissous le Parlement par décret jeudi 16 mars. « Le Monténégro est complètement paralysé sur sa voie européenne et il faut mettre un terme au plus vite à cette crise politico-institutionnelle »il a justifié.
« Espérons que ces élections législatives se joueront sur un autre terrain politique que celui des débats toxiques sur les questions identitaires », souhaite Srdjan Cvijic. Selon lui, le départ de Djukanovic devrait faciliter ce changement de discours et permettre au Monténégro de se concentrer à nouveau sur l’intégration à l’Union européenne. « Ce petit pays, il pense, sans conflit avec ses voisins, a les meilleures chances de devenir le 28e État de l’UE ».
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