Des centaines de courtiers pourraient décider de quitter la profession

Après un hiver maigre et un marché qui continue de ralentir, un nombre record de courtiers immobiliers à travers le Québec pourraient bientôt prendre la difficile décision de quitter la profession.
« Même si on ne le voit pas encore, c’est quelque chose dont on parle beaucoup et que l’industrie anticipe certainement », observe Dominic St-Pierre, vice-président et directeur général pour le Québec des Services immobiliers Royal LePage.
D’ici la fin avril, dans moins de deux mois, les 17 000 courtiers de la province devront renouveler leur permis d’exercice auprès de l’Organisme d’autoréglementation de courtage immobilier du Québec (OACIQ).
Un rituel annuel
Valide pour un an, les frais de cette licence dépassent 2 300 $ pour un nouvel arrivant et 1 900 $ pour un courtier établi qui souhaite poursuivre sa pratique.
Comme la facture est importante, ce délai provoque généralement une réflexion – une sorte de questionnement – sur l’année à venir, chez la plupart des courtiers du Québec.
« C’est comme dans la chanson : ‘Est-ce que j’arrête ou est-ce que je continue ? Arrêtez, ou encore ? Le choix n’est certainement pas facile », explique un courtier encore indécis qui souhaite garder l’anonymat le temps de décider de son avenir professionnel.
Ainsi, à cette date, chaque année, des centaines de courtiers choisissent de se retirer. Au printemps 2020 par exemple, alors que les mesures sanitaires liées au Covid n’auguraient rien de bon, pas moins de 600 titulaires de permis ont décidé de jouer la sécurité en rangeant leurs pancartes.
L’année suivante, après que le marché eut repris de la vigueur, ils étaient deux fois moins nombreux à se retirer, tandis que les aspirants courtiers affluaient. Par exemple, confirme Réjean Lavoie, du Cégep de Chicoutimi, les admissions au programme de courtage immobilier résidentiel avaient explosé de 16 % cette même année.
Baisse de 25% des ventes attendue
Les choses pourraient être bien différentes d’ici la fin avril alors que le marché de la revente continue de connaître sa pire dégringolade en vingt ans, reconnaît le courtier et président du conseil d’administration de l’Association professionnelle des courtiers. Immobilier Québec (APCIQ), Marc Lacasse.
Jeudi dernier, les économistes de Desjardins estimaient également que les ventes de propriétés existantes continueraient de chuter de 25 % en 2023, une baisse similaire à celle de l’an dernier. Ce faisant, les prix continueront également de plonger, jusqu’à ce qu’un écart de 17 % se creuse par rapport au pic d’avril 2022 en janvier.
Mille renonciations
Le contexte défavorable pourrait pousser plusieurs professionnels à réévaluer leurs options, estime M. Lacasse, qui note au passage une baisse de 10 % des inscriptions au Collège de l’immobilier du Québec.
Et ce mouvement de retrait risque d’être d’autant plus remarquable que la profession a accueilli un grand nombre de nouveaux entrants ces dernières années. Sur les 14 611 courtiers qu’elle comptait fin 2018, l’industrie en compte désormais un record de 16 755, soit un bond de 15 %.
« Ceux qui sont venus pour de mauvaises raisons, attirés par la perception de revenus facilement gagnés, n’ont pas toujours la préparation mentale ou financière pour traverser une période plus morose comme aujourd’hui », explique M. Lacasse.
Cela dit, du nombre de courtiers actuels, combien vont jeter l’éponge d’ici deux mois ? Difficile à estimer.
Dominic St-Pierre s’attend à ce que leur nombre dépasse le millier de professionnels, soit près de trois fois les forfaits de l’an dernier. Mais rien n’est certain.
Le nombre de courtiers ne cesse d’augmenter depuis plusieurs années*
- 2017 : 14 336
- 2018 : 14 611
- 2019 : 14 662
- 2020 : 14 772
- 2021 : 15 798
- 2022 : 16 685
- 2023 : 16 755
* Au 31 décembre de chaque année. Pour l’année 2023, le chiffre correspond aux données au 1er mars 2023.
Source : Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ)
Encore une année difficile pour l’immobilier en 2023
Baisse du nombre de transactions – marché de la revente
- 2022 : -25%
- 2023 : -25%
Prix moyen inférieur (du plus haut d’avril 2022)
- 2022 : -8,1 %
- 2023 : -8,9 %
- Total : -17% (par rapport à avril 2022)
Baisse des mises en chantier de nouvelles constructions
- 2022 : -15,8 %
- 2023 : -20%
Baisse des mises en chantier de nouvelles constructions – marché locatif
- 2022 : -10%
- 2023 : -20%
Source : Mouvement Desjardins, Études économiques
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