Des Aurès à Bandung, de l’OLP à l’ANC, Boubaker Adjali, image en main

Lorsqu’il arrive dans le maquis angolais en 1970, une guérilla du Mouvement de libération populaire d’Angola, en guerre contre les colonisateurs portugais, le baptise Kapiaça, « hirondelle ». « Parce que tu as parcouru un long chemin et que tu reviendras. Boubaker Adjali est une figure fascinante, trop méconnue, du mouvement d’émancipation des peuples du Sud. Les éditions Otium lui consacrent un beau livre sous forme de voyage aux multiples escales, retraçant le parcours politique d’une génération née dans la résistance à l’oppression coloniale, qui a fait sien l’idéal internationaliste. Cet Algérien issu d’une lignée de paysans de l’Aurès, entré très tôt dans les rangs de l’ALN, a été blessé en 1958 dans un échange de coups de feu, en plein Paris, avec un commissaire de police. C’est ensuite la fuite et l’exfiltration vers l’Allemagne, avant de rejoindre la Tchécoslovaquie, pour étudier le cinéma à la Famu, la prestigieuse Académie du film de Prague.

De retour en Algérie en 1962, il capte les premiers pas d’un peuple indépendant en marche et les côtoie, quand Alger se veut la Mecque des révolutionnaires, les figures de la libération africaine. Jusqu’au lendemain du coup d’État de 1965. Son besoin de liberté le pousse alors sur de nouvelles voies, « loin de la propagande et de la censure politique », écrit l’historienne de la photographie Marie Chominot, qui signe plusieurs textes de ce volume. En 1967, il se rend à New York et, de là, rejoint les théâtres de conflits pour y témoigner, par la plume, par l’image, des combats de libération.

Films manifestes

Documentariste, photographe, correspondant de guerre, il sillonne le continent africain, côtoie les fedayin dans les camps d’entraînement palestiniens, accompagne les insurgés yéménites, soutient la lutte de l’ANC contre le régime d’apartheid, plaide la cause des séparatistes du Mozambique, de Namibie ou Timor oriental. Dans la foulée de la conférence de Bandung et de la Tricontinentale, il noue de solides amitiés dans le mouvement des non-alignés. Ses images circulent, frappent, touchent les cœurs jusque dans les couloirs de l’ONU qu’il arpente.

Ses films, ses reportages photographiques ont valeur de manifestes en même temps que d’archives : « Seul le désir me pousse à laisser la trace de cette expérience », dit-il. Aujourd’hui, ce livre est l’occasion de découvrir ce précieux héritage, éclairé par les textes de Sohir Belabbas-Bendaoud, Marie Chominot, Olivier Hadouchi, Constantin Katsakioris, Luisa Semedo et Nedjib Sidi Moussa. Une géographie essentielle des luttes de libération.


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