Danielle Cécile, l’architecte du logement social


« J’ai fait tout ce qu’on peut faire en matière de logement social », résume humblement Danielle Cécile, responsable de l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM) jusqu’à sa retraite le 1er mars. Difficile de contredire celle qui, pendant 45 ans, est allée envers et contre tout pour loger les plus démunis dans tout le pays.

Crises du logement, l’ancien directeur en a vu d’autres. Or, cette fois, même la classe moyenne a du mal à trouver un toit, note-t-elle. Auparavant, les difficultés de logement touchaient principalement les populations les plus défavorisées, et donc les plus invisibles.

Nous sommes face à une « crise parfaite », dit la première femme à diriger l’OMHM. Le problème est double puisqu’il y a pénurie de logements et que ceux qui sont disponibles sont inabordables. L’inflation et la hausse des taux d’intérêt ralentissent la construction de logements, poursuit-elle.

Montréal a perdu 89 000 unités avec des loyers mensuels inférieurs à 750 $ entre 2016 et 2021, souligne-t-elle, citant les travaux de Steve Pomeroy de l’Université Carleton.

Au cours des cinq dernières années, chaque fois que vous avez construit des logements sociaux [ou en gestion collective]vous avez perdu 18 unités abordables sur le marché.

Danielle Cécile, ancienne directrice générale de l’Office municipal d’habitation de Montréal

La tendance sera difficile à inverser en raison des retards de construction, prévient Danielle Cécile. « Ça va prendre des années », déplore celle qui se définit malgré tout comme une « éternelle optimiste ».

Terres contaminées, réglementations strictes, enjeux de développement durable, contraintes de financement ; Bien que souvent justifiés, les écueils auxquels sont confrontés les promoteurs – privés, publics ou communautaires – lorsqu’ils construisent à Montréal sont nombreux, explique-t-elle.

Le secteur privé et le socio-communauté main dans la main

La solution passe par une complémentarité entre les secteurs privé et socio-communautaire, selon Danielle Cécile. Les deux doivent donc être adéquatement équipés pour construire des logements.

« Ce n’est pas un secteur qui fera tout le emploi, et ce n’est pas l’autre non plus. Le sociocommunautaire ne résoudra pas la crise du logement pour la classe moyenne. Ce n’est pas son rôle, et si c’est le cas, il y a une autre population qui sera larguée », soutient la première femme récipiendaire de l’Ordre du mérite coopératif du Conseil canadien de coopération.

À l’inverse, le secteur privé « ne peut pas tout faire », poursuit l’ancien directeur de l’habitation à la Ville de Montréal. « Le privé ne fera pas de logement pour les familles nombreuses », illustre celle qui n’a pas sa langue dans sa poche. « Il n’y a pas de frais, et votre appartement de six chambres, combien allez-vous le louer ? 4000$ par mois? Personne ne va payer pour ça. »

Il en coûte trop cher de construire des logements à des loyers très bas. Des subventions sont nécessaires.

Danielle Cécile, ancienne directrice générale de l’Office municipal d’habitation de Montréal

Danielle Cécile est également intriguée par l’opposition que certains font entre promoteurs privés et ceux issus du secteur public ou de la collectivité. Tous les logements sont construits par des particuliers, note-t-elle. « L’OHMH et le sociocommunautaire, lorsqu’ils veulent réaliser un projet immobilier, ils font affaire avec des entrepreneurs privés. »

Le logement, un combat social

Danielle Cécile s’est donné pour mission de faire en sorte que chacun puisse avoir un logement sain et abordable lorsqu’elle était adolescente, après avoir récupéré des enfants pour les amener dans un camp de vacances. « C’était assez bouleversant de voir où vivaient les enfants », se souvient-elle. Des maisons où la cuisine était sale. La salle de bain était un placard avec toilettes. Pas de lavabo, pas de baignoire, pas de douche.

Des obstacles, elle en a vu de toutes sortes pendant 45 ans, dit-elle, que ce soit à Montréal ou ailleurs, ayant notamment travaillé à la Fédération de l’habitation coopérative du Canada. Pas de quoi toutefois décourager celle qui se définit comme une « fixeret qui s’épanouit dans la résolution de problèmes.

Un jeune enfant qui a besoin d’un endroit pour grandir ou une personne âgée qui a besoin de vivre dignement est un puissant facteur de motivation.

Danielle Cécile, ancienne directrice générale de l’Office municipal d’habitation de Montréal

Sa plus grande fierté ? La Résidence des Ateliers, qui compte 193 logements sociaux et abordables et abrite les bureaux de l’OMHM, où Métro rencontré le nouveau retraité. « On a construit sur une station de métro et une boucle d’autobus, en temps de pandémie, le plus gros projet de logements sociaux qui n’ait jamais été fait au Québec, se réjouit-elle. Ensuite, nous l’avons terminé dans les limites du budget […] et à l’heure. »

« Je suis en paix avec la décision [de prendre ma retraite], mais ça me fait mal de partir, dit-elle. Il y a encore du travail à faire et j’ai encore beaucoup d’énergie.

À travers les projets immobiliers disséminés dans la métropole qu’elle a laissés derrière elle, Danielle Cécile a marqué de son empreinte le paysage montréalais. Marque qui se fait surtout sentir parmi les plus invisibles, qu’elle n’a jamais oubliés.

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