[Chronique] Voici comment faire notre devoir
![[Chronique] Voici comment faire notre devoir 1 normand baillargeon](https://zomaloma.com/wp-content/uploads/2023/03/normand-baillargeon.jpg)
Le rapport Maîtrise du français au collège a été déposée il y a plus d’un an, mais n’a été rendue publique que ces jours-ci. Les conclusions là-bas sont indéniablement affligeantes. « À la fin de la scolarité obligatoire, de nombreux jeunes présentent des carences en termes de compétences de base, à tel point que cette carence affecte leur réussite dans l’enseignement supérieur. »
En effet, « 54 % des jeunes annoncent au moment de leur admission au collégial qu’ils auront un moyen ou un grand besoin d’aide en français (c’est-à-dire « écrire sans fautes ») afin de réussir leurs études. « .
Mais cela n’étonnera guère quiconque a lu les rapports, études et publications de toutes sortes qui s’accumulent depuis des années sur l’état du français au Québec, et en particulier dans nos établissements d’enseignement. Nous passons constamment de signalements d’échec à des recommandations, entraînant de nouveaux signalements d’échec qui donnent lieu à de nouvelles recommandations.
Cette fois, le rapport sur la maîtrise du français au collégial recommande « que le fonctionnement de la langue soit explicitement enseigné au collégial et que son enseignement soit lié à l’écriture et à la lecture de textes », ce qui, il fallait s’y attendre, est mal accueilli par les enseignants de ce niveau, qui pensent, avec raison, que cet enseignement aurait dû être fait pour tous les élèves du primaire et du secondaire. Évidemment, malheureusement, ce n’était pas le cas.
Nous demandons également que « l’écriture numérique devienne une pratique courante au collégial dans toutes les disciplines et que le personnel enseignant et les élèves soient soutenus dans sa mise en œuvre », et que « des outils technologiques d’aide à l’écriture, à la révision et à la correction de textes soient enseignés et intégrés au collégial dans toutes les situations d’écriture, comme c’est le cas dans les situations socioprofessionnelles actuelles ».
Ce triste constat s’ajoute à celui d’une forte augmentation des échecs à l’épreuve écrite de français de 5e secondaire — le COVID et l’enseignement à distance ont ici joué un rôle — et celui d’une dégradation du français chez les élèves du privé, habituellement moins touchés par la maladie.
Pire encore, peut-être : même les futurs enseignants ont aujourd’hui des difficultés avec la langue, comme en témoignent les taux d’échec catastrophiques à l’examen final uniforme qu’ils doivent réussir.
Il faut rappeler le contexte dans lequel se déroulent ce qu’il faut bien appeler des drames : celui du déclin du français dans notre pays, déclin contre lequel l’école peut jouer un rôle crucial, à condition de bien enseigner la langue, de faire découvrir et aime la beauté et la magie de l’écriture et les trésors de la littérature.
Sur la base de ces constats et recommandations, qui se succèdent depuis un demi-siècle, je ne suis pas très optimiste quant à notre capacité à mettre en place des mesures pour relever ces défis, même si le département de l’Enseignement supérieur assure que le français est une priorité. Comme pour m’inquiéter encore plus, on nous a également dit ces jours-ci que le ministère de l’Enseignement supérieur et le ministère de l’Éducation s’en sortent très mal en termes de respect des délais, de gestion des ressources de l’État, de bonnes pratiques et d’atteinte des objectifs qu’ils se fixer.
Si nous étions vraiment sérieux, comme il se doit, nous ferions ce que nous n’avons pas fait depuis trop longtemps.
Dans un premier temps, il convient de fixer des objectifs précis, fondés sur les meilleures preuves disponibles et précisant les fins à atteindre, ce que ces données seules ne peuvent prescrire. Que disent les recherches crédibles sur les meilleures façons d’apprendre à lire ? De son impact sur l’écriture ? Sur l’utilisation de la technologie en classe? Pour écrire ? Quel programme précis recommandons-nous? Comment est-il décliné ? Et ainsi de suite.
Ensuite, il faudrait faire une pré-expérimentation de ce que nous préconisons. Ce serait l’occasion de vérifier si ce que nous envisageons de faire tient la route et de le réviser si nécessaire.
Enfin, le programme devrait être mis en œuvre et suivi attentivement dans tout le système scolaire (classes, écoles, centres de services, ministère), en confiant idéalement une partie de cette validation à un tiers indépendant. La « Gestion rationnelle axée sur les résultats » (2021) de Christian Boyer et Steve Bissonnette décrit bien cette procédure essentielle.
Nous l’avons à peine fait et les querelles idéologiques ont continué à prendre une place disproportionnée dans nos politiques d’apprentissage de la lecture, de la grammaire et de l’écriture. Nous en payons le prix aujourd’hui. C’est énorme pour les individus et pour l’économie, bien sûr, mais aussi pour l’avenir de notre langue et de notre culture.
Agir est un devoir. Envers nous tous, mais aussi et surtout envers les jeunes générations, à qui nous ne pouvons priver la maîtrise de leur langue écrite et parlée, qui est un outil essentiel pour comprendre le monde, pour être un citoyen à part entière, et qui est aussi, faut retenir, une des grandes sources de plaisir que nous réserve la vie.
Docteur en philosophie, docteur en éducation et chroniqueur, Normand Baillargeon a écrit, réalisé ou traduit et édité plus de soixante-dix ouvrages.
A voir en vidéo
(function(d, s, id){ var js, fjs = d.getElementsByTagName(s)[0]; if (d.getElementById(id)) {return;} js = d.createElement(s); js.id = id; js.src = "https://connect.facebook.net/fr_CA/sdk.js"; fjs.parentNode.insertBefore(js, fjs); }(document, 'script', 'facebook-jssdk'));
ledevoir