Au milieu de la flambée des prix de l’énergie, Engie réalise 3,8 milliards de bénéfices excédentaires

En grande pompe, et avec fierté, Engie a présenté le 21 février au matin ses résultats 2022. Si l’on s’arrête aux données purement comptables, le groupe peut se réjouir : le chiffre d’affaires a atteint 94 milliards d’euros, en hausse de 62 % sur un an. Le résultat courant a également gonflé de 47%, à 9 milliards, quant aux dividendes proposés, ils devraient bondir de 90%, et atteindre 3,4 milliards d’euros, dont 850 millions pour l’Etat, soit 17 fois le résultat net. (0,2 milliard d’euros).
« La différence entre les deux résultats (net et courant) s’explique par l’intégration des amortissements et des provisions capitalisées pour le démantèlement des centrales nucléaires belges et l’enfouissement des déchets notamment », explique Yohan Thiebaux, coordinateur CGT Engie. « L’important, c’est que, cette année encore, le montant des dividendes contribue à vider le groupe de sa substance, qu’il n’y a pas de logique industrielle à moyen et long terme et qu’il faudra encore vendre pour les financer. . »
Si Engie est revenue cette année à un chiffre d’affaires comparable à celui qu’elle réalisait à l’époque de GDF, avant sa privatisation, ce n’est pas grâce à des choix stratégiques et industriels, mais à cause de la flambée des prix de l’énergie. La flambée a commencé dès 2021, lorsque, se préparant à un hiver particulièrement rigoureux, la Chine a massivement importé du gaz, notamment du gaz naturel liquéfié.
L’invasion de l’Ukraine et les sanctions imposées à la Russie ont fortement aggravé la situation et les prix ont explosé. La hausse des tarifs et la spéculation sur les marchés ont entraîné une hausse de 3,8 milliards d’euros du résultat courant d’Engie, assure la CGT.
Renoncer à ces superprofits aurait réduit de 22% les factures des particuliers et des entreprises.
Que faire de ces profits excédentaires ? « Selon moi, soit on investit massivement pour devenir un leader du gaz vert et des énergies renouvelables, soit on décide de le rendre aux usagers, touchés par la hausse vertigineuse des prix, avec une limitation partielle des tarifs réglementés qui, rappelons-le, , ils disparaîtront en 2023 », dit le syndicaliste.
La confédération a calculé que l’abandon de ces excédents aurait permis de réduire de 22% les factures marketing des particuliers comme des entreprises. Pour un foyer qui se chauffe au gaz, cela représenterait entre 300 et 400 euros de moins sur sa facture annuelle ! « Mais non, pour les utilisateurs, nous avons donné 100 euros aux ménages les plus pauvres. Cela représente à peine 1,4 % de nos profits. Même Total a fait plus », déplore le coordinateur syndical.
Ainsi, la direction d’Engie privilégie les dividendes, ce qui est désormais une habitude. Yohan Thiebaux s’est fendu d’un petit calcul à cet égard : sur six ans, Engie a réalisé en moyenne 930 millions d’euros de résultat net, et distribué 1,8 milliard d’euros de dividendes.
Chaque année, vendez des morceaux d’Engie pour payer des dividendes
« En comptant 2019, une année sans dividende, insiste le syndicaliste. Engie verse donc aux actionnaires 200 % de son résultat net, soit 11 milliards d’euros pendant six ans. » Chaque année, il faut donc vendre des morceaux d’Engie pour payer les dividendes.
En 2021, Bouygues a acquis Equans, spécialisée dans les services aux entreprises et aux collectivités, et ses 74 000 collaborateurs, pour plus de 7 milliards d’euros. La division gaz naturel liquéfié a également été cédée à Total. « Félicitations pour la vision stratégique, alors qu’en ce moment le GNL vaut plus que le gaz, ironiquement Yohan Thiebaux. On a aussi vendu toutes les activités d’exploration, tout le travail qu’on avait fait à l’époque de GDF pour prospecter des gisements de gaz… Et on a vendu Endel, qui se spécialise notamment dans le soudage dans les centrales nucléaires. Vous savez, ces compétences qui manquent cruellement en France aujourd’hui… »
La liste est longue. Ce qui fait dire à la CGT que « le groupe se dissout dans les dividendes ». Engie a également perdu 40 % de ses effectifs en quelques années. Depuis longtemps, le syndicat prévient que le patron du groupe, Jean-Pierre Clamadieu, travaille progressivement au démantèlement de la partie gaz du groupe, envisage de se séparer des réseaux, pour se concentrer sur les seules énergies renouvelables. .
Une direction qui semble se confirmer encore cette année. « Engie s’est engagé au net zero (net zero carbon emission) en 2045 et, sans investissement, je ne sais vraiment pas comment on va faire », conclut Yohan Thiebaux.
Fr1