A Rennes, les moins de 20 ans en première ligne des mobilisations

Rennes (Ille-et-Vilaine), correspondance privée.
Des regards fatigués, un cortège nerveux de têtes et un parfum d’adrénaline. Ce mardi 7 mars, à Rennes, la jeunesse est, une nouvelle fois, en première ligne de la manifestation contre la réforme des retraites. Fin des vacances scolaires oblige, les rangs sont plus serrés que lors de la journée du 16 février et la tension bien plus palpable avec, en marge du parcours officiel, plusieurs centaines de militants qui ont décidé d’affronter les forces de sécurité une bonne partie de la après-midi.
Sur le trottoir, étudiants et lycéens ne sont pas là pour un dernier baroud d’honneur. Cette journée du 7 n’est qu’une étape d’un combat de longue haleine. Et la prochaine date est déjà cochée : ce jeudi 9 mars, pour lequel plusieurs organisations de jeunesse, comme l’Unef et la Fage, appellent à l’action.
La capitale bretonne souvent fer de lance des mobilisations étudiantes
Mais, dans la capitale bretonne, souvent fer de lance des mobilisations étudiantes, la dynamique n’en est encore qu’à ses balbutiements. Quand auront lieu les assemblées générales ? Faut-il organiser des actions chocs en plus du blocage des établissements ? Beaucoup s’interrogent encore. Mais tous affichent la volonté de participer au mouvement dans la durée.
Comme Inès, 17 ans, rencontrée lors de la manifestation rennaise, entre canons à eau et autres gaz lacrymogènes. La jeune femme raconte avoir participé au blocage de la RN 24 dans la nuit de lundi à mardi, un axe de circulation vers Lorient, très emprunté. « C’était agréable à vivre et intéressant de participer à un vrai blocage économique, d’inciter les gens à nous rejoindre en manifestation », explique l’étudiant de Rennes-II, membre de l’Union pirate, l’organisation étudiante majoritaire. Son établissement est bloqué depuis lundi. Comme celui de l’Université de Lorraine ou de Lille-II.
Un sentiment d’impuissance
Pour de nombreux étudiants rennais, la réforme des retraites est un combat parmi d’autres. Dans la tête d’Inès, il y a aussi la révolte contre le service national universel (SNU), l’inquiétude face à l’urgence climatique, l’inflation, les inégalités hommes-femmes… Chaque grief se nourrit des autres. Et le ressentiment est fort. « Nous voulons faire plier Macron et lui prouver que les jeunes se battront jusqu’au bout pour un avenir durable. »
Bloquer leur établissement est le souhait de Malo et Axel, lycéens rencontrés en tête de cortège. Mais bloquer n’est jamais facile. Il faut tenir compte de la géographie du lieu, de son histoire militante, du soutien de l’équipe pédagogique, de la légitimité de l’action, de la réaction de l’administration, voire de la météo.
Pour les deux amis, cela n’a pas encore fonctionné. Ce matin-là, par exemple, « Il y avait beaucoup trop d’embouteillages. Les professeurs ne pouvaient pas nous aider, même si l’idée venait d’eux », avance en premier. Pour lui, le but de cette semaine de lutte et de celles à venir est d’apporter du changement dans leur vie. « Je veux être écouté. »
« On voit bien que ce n’est pas comme ça qu’on va développer un rapport de force »
Leur camarade Sam, membre de la section lycée de l’Union Pirate, est d’accord. Le jeune de 16 ans a été impliqué dans plusieurs blocages. Une certaine impatience commence à se faire sentir. « Qu’est-ce qu’on fait, 4 ou 5 manifestations ? Cependant, cela n’a rien changé. L’Etat est déjà en train de faire voter les articles de sa réforme. On voit bien que ce n’est pas comme ça qu’on va développer un rapport de force. »
Quoi qu’il en soit, pour Marius, 17 ans et membre des Jeunes Insoumis, il faut continuer à « pour consolider le mouvement. (…) L’enjeu est de chercher des gens, de les convaincre de nous rejoindre pour prouver que nous ne sommes pas une minorité ». Mais l’étudiant de Rennes pointe aussi l’importance de se renouveler, d’innover pour faire face à une certaine lassitude, un sentiment d’impuissance. « Le problème des formes classiques de mobilisation, c’est qu’elles ont été intégrées par le système. Il devient de plus en plus difficile d’en tirer quelque chose. »
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